En vu de la mise en place très prochaine de son gouvernement, Donald Trump nomme Tulsi Gabbard à la tête du renseignement américain. Ancienne soldate et transfuge du Parti démocrate, Tulsi Gabbard est connue pour ses positions controversées en faveur de la Russie et de la Syrie. Si sa nomination est confirmée par le Sénat, elle pourrait marquer un tournant dans la manière dont les États-Unis gèrent leur sécurité nationale.
Une nomination controversée
La nomination de Tulsi Gabbard à la tête du renseignement américain, un poste clé pour la sécurité nationale, soulève de vives préoccupations. Ancienne soldate et transfuge du Parti démocrate, elle est connue pour ses positions critiques à l’égard de l’interventionnisme militaire des États-Unis. Elle est aussi connue pour ses prises de position controversées sur la Russie. Ses opinions font craindre la politisation du renseignement américain sous sa direction. Les conséquences d’une politisation seraient graves pour l’objectivité des analyses et décisions prises par la Maison Blanche. Sa proximité avec certains dirigeants étrangers, notamment Vladimir Poutine et Bachar al-Assad (président syrien), alimente également les doutes sur sa capacité à gérer un rôle aussi sensible.
Âgée de 43 ans, elle n’a aucune expérience préalable dans le renseignement, ce qui renforce les interrogations sur sa nomination. En tant que Directrice du renseignement national (DNI), elle aurait pour mission de coordonner les 18 agences de renseignement américaines. Une fois la coordination faite elle devra quotidiennement informé le président sur les menaces mondiales. Ce poste a été créé suites au attentats du 11 novembre 2001. L’objectif est de remédier aux failles de communication entre les différentes agences, qui avaient empêché la détection des complots terroristes à l’époque. Si son élection est validée par le Sénat, Tulsi Gabbard devra assumer cette responsabilité majeure, un défi de taille compte tenu de ses positions politiques inhabituelles pour ce rôle.
Un poste stratégique et politique
Le rôle de Directrice du renseignement national est à la fois administratif et politique. Le DNI veille à la coordination des agences de renseignement et s’assure que celles-ci échangent efficacement leurs informations. “C’est une fonction administrative pour s’assurer que les agences se parlent entre elles, qu’elles se coordonnent et qu’il existe des règles d’analyse”, explique Mathew Burrows, un ancien de la CIA. Le DNI est également responsable de fournir au président un aperçu complet de la situation internationale, un rôle crucial pour la prise de décision stratégique. Ce poste est donc extrêmement influent, et le choix de la personne qui l’occupe a des implications considérables sur la manière dont les informations de renseignement sont interprétées et utilisées.
Les opinions de Tulsi Gabbard, ses critiques récurrentes des agences de renseignement et ses positions géopolitiques en faveur de régimes controversés soulèvent des préoccupations concernant l’indépendance du renseignement national. Ses prédécesseurs, bien qu’ils aient eux aussi constitué des équipes proches de la Maison Blanche, n’ont pas suscité de telles inquiétudes sur la politisation de leur fonction. Gabbard, cependant, pourrait bien incarner un tournant dans la manière dont le renseignement est utilisé par l’administration, notamment à travers sa relation avec Donald Trump. Ce dernier, en particulier, semble vouloir éviter les conflits qu’il a eus avec les agences de renseignement lors de son premier mandat, et pourrait voir en Gabbard une alliée politique pour renforcer son contrôle sur les informations sensibles.
Des positions controversées
Les prises de position publiques de Tulsi Gabbard ont alimenté de nombreuses polémiques. Elle a notamment exprimé des inquiétudes sur l’adhésion éventuelle de l’Ukraine à l’OTAN, qualifiant ces préoccupations de “légitimes” du point de vue de la Russie. Elle a aussi rencontré le président syrien Bachar al-Assad en 2017, ce qui a provoqué une réaction violente de ses détracteurs, qui l’ont accusée de soutenir un régime responsable de crimes de guerre. Lors de son mandat de députée, elle a critiqué ce qu’elle percevait comme une politique étrangère américaine trop interventionniste, qualifiant les élites politiques américaines de bellicistes. Ces positions, souvent considérées comme pro-russes ou pro-syriennes, ont été mal perçues par de nombreux observateurs, qui se demandent si Gabbard pourra assumer un rôle aussi crucial sans compromettre les intérêts de sécurité des États-Unis.
Pour ses détracteurs, ces positions soulèvent des questions sur ses priorités en tant que future Directrice du renseignement national. Tom Nichols, professeur à l’École de guerre navale américaine, estime que sa nomination “sera une menace pour la sécurité des États-Unis”, soulignant que quelqu’un avec ses opinions ne devrait pas avoir accès aux informations stratégiques. La crainte est que ses opinions personnelles influencent l’objectivité des analyses du renseignement et qu’elle privilégie ses convictions politiques plutôt que l’intérêt national. Cette situation pourrait compromettre la capacité des agences de renseignement à fournir une évaluation claire et indépendante des menaces internationales.
La relation complexe avec Donald Trump
Cette nomination intervient dans un contexte politique particulier, celui de la fin du premier mandat de Donald Trump. Celui-ci a eu plusieurs frictions avec ses responsables du renseignement. Il les a souvent qualifiés de “naïfs” et “d’incompétents”. En 2018, son secrétaire à la Défense, le général James Mattis, a démissionné en raison de divergences sur la politique de retrait des troupes de Syrie. Trump a également régulièrement attaqué les agences de renseignement, les qualifiant de responsables d’une “chasse aux sorcières” sur ses liens avec la Russie. En nommant Tulsi Gabbard, Donald Trump fait un choix de sécurité. Il semble chercher à éviter de nouvelles confrontations avec le renseignement. Peut-être même veut-il renforcer le contrôle exécutif sur ces agences stratégiques.
Le lien entre Gabbard et Trump pourrait donc jouer un rôle clé dans l’évolution du renseignement américain sous sa direction. En tant que responsable des briefings quotidiens, Tulsi Gabbard pourrait avoir une influence considérable sur les informations transmises au président. Certains experts, comme Mathew Burrows, expriment des inquiétudes concernant la politisation des analyses de renseignement sous la houlette de Gabbard. Sa vision du monde pourrait modifier les priorités de l’administration Trump. “Gabbard a le pouvoir d’extraire l’analyse qui sert ses décisions”, prévient Burrows. La question de l’indépendance des agences de renseignement se pose alors. Elles pourraient se retrouver dans une position difficile si elles doivent servir des intérêts politiques plutôt que de fournir des évaluations objectives.
La crainte de politisation et de chasse aux sorcières
Une autre conséquence redoutée de cette nomination est la potentielle politisation du renseignement national. Les agents de renseignement, qui sont formés pour servir l’État quel que soit son dirigeant, pourraient se retrouver sous pression pour conformer leurs analyses aux attentes politiques de la Maison Blanche. Cette situation créerait un climat de méfiance et de surveillance au sein des agences, où certains agents, particulièrement ceux qui ont pris position lors des élections, pourraient craindre des représailles ou une “chasse aux sorcières”. Selon Alexandre Papaemmanuel, professeur à Sciences Po, il est possible que Trump cherche à “renverser la table”, en bousculant les codes et pratiques établis du renseignement.
L’introduction de Gabbard dans ce rôle pourrait symboliser un changement radical dans la manière dont les informations sensibles sont utilisées par la présidence. Trump, qui a déjà perturbé de nombreuses conventions politiques et médiatiques, pourrait bien vouloir appliquer cette même logique à la gestion du renseignement. Si Gabbard est confirmée, elle pourrait faire face à une communauté du renseignement partagée entre loyauté envers l’État et pressions politiques accrues. Les véritables conséquences de sa nomination ne seront visibles qu’à travers la manière dont elle exercera son rôle, et si elle parviendra à concilier ses convictions personnelles et l’indépendance nécessaire à la fonction de Directrice du renseignement national.