« Ce qui se passe dans l’isoloir reste dans l’isoloir. » Alors que la course présidentielle entre Donald Trump et Kamala Harris touche à sa fin, une publicité, diffusée dans le cadre de cette campagne, met en scène une femme qui, à l’insu de son mari républicain, vote pour la candidate démocrate. Ce clip de 30 secondes, narré par Julia Roberts, a provoqué des réactions controversées côté républicain, notamment chez Donald Trump.
« Vos maris n’ont pas besoin de savoir »
Dans cette publicité, un couple est mis en scène entrant dans un bureau de vote. Ils portent tous les deux des casquettes brodées de symboles patriotiques qui laissent entendre que ce sont des électeurs républicains. Alors que le mari suppose que sa femme partage ses opinions, celle-ci, à l’abri du paravent, coche la case « Kamala Harris » après avoir échangé un regard complice avec une autre femme présente. Sous-entendu : la candidate démocrate est la seule à pouvoir faire valoir les droits des femmes. « Personne n’en saura rien » commente la voix de Julia Roberts. « Tu as fait le bon choix ? » demande le mari à sa femme, ce à quoi elle répond : « Bien sûr chéri. »
Le vote secret pour libérer les électrices et électeurs de la pression sociale
« Si vous êtes une femme qui vit avec des hommes qui ne vous écoutent pas ou n’attachent pas d’importance à votre opinion, rappelez-vous que votre vote est une affaire privée. Peu importe les opinions politiques de votre partenaire, le choix vous appartient », a déclaré l’ancienne Première dame, Michelle Obama
Liz Cheney, ancienne parlementaire républicaine ralliée à Harris, a ouvertement misé sur l’importance du vote secret. Elle a déclaré : « Il va y avoir un certain nombre de femmes et d’hommes qui vont aller aux urnes et voter en conscience et voter pour la vice-présidente Harris. Ils ne le diront jamais publiquement mais les résultats parleront d’eux-mêmes. »
Le groupe ayant financé la publicité ne s’est pas arrêté là et a diffusé un autre spot. Dans cette version, un électeur masculin choisit secrètement Kamala Harris sans en parler à ses amis républicains, cette fois avec George Clooney pour narrateur. En plaçant l’accent sur la liberté de choix individuel et l’indépendance des femmes vis-à-vis des attentes sociétales, la campagne de Kamala Harris espère séduire des électeurs discrets mais décisifs dans une course où chaque voix comptera.
« Pouvez-vous imaginer une femme qui ne dit pas à son mari pour qui elle vote ? »
Ce message, qui mise sur le droit au secret de l’isoloir, n’a pas manqué de faire réagir le camp républicain, notamment Donald Trump, qui a qualifié cette publicité de « stupide » en s’indignant : « Pouvez-vous imaginer une femme qui ne dit pas à son mari pour qui elle vote ? ».
Ce serait « comme si elle me trompait » a déclaré un présentateur vedette sur Fox News, réseau prisé des conservateurs, expliquant qu’il prendrait comme une trahison le vote caché de sa femme pour Kamala Harris. Newt Gingrich, ancien président de la Chambre des représentants, a quant à lui interprété ce spot comme le signe d’une « corruption » morale de la campagne démocrate.
En réponse, le Lincoln Project, un groupe conservateur modéré a diffusé une vidéo dans un esprit similaire. Celle-ci montre deux hommes, visiblement républicains, qui affirment que leurs épouses voteront pour Donald Trump, avant que la caméra ne révèle que ces dernières ont en réalité choisi la candidate démocrate.
Chaque voix compte : Kamala Harris et la mobilisation des femmes
Les camps républicain et démocrate s’arrachent chaque voix dans cette élection particulièrement indécise, comme le prouvent ces publicités. Kamala Harris concentre une partie de sa stratégie sur la mobilisation des femmes, qui pourraient bien faire pencher la balance dans certains États décisifs. Selon un sondage de NBC, la candidate démocrate mène dans les intentions de vote des femmes avec 16 points d’avance, tandis que Donald Trump conserve une avance de 18 points chez les hommes. Ce « gender gap » cumulatif de 34 points est inédit. Il témoigne de l’importance de questions comme les droits des femmes, notamment le droit à l’avortement.
Au-delà des questions de genre, cette élection cristallise un affrontement entre deux visions de la société. Donald Trump se positionne en protecteur des valeurs patriarcales traditionnelles et des rôles genrés, tandis que Kamala Harris propose un message davantage axé sur l’égalité et la liberté des choix individuels. Selon Kelly Dittmar, professeure de sciences politiques à l’université Rutgers, l’ancien président Trump représente « une vision traditionnelle et patriarcale de la masculinité », alors que Kamala Harris incarne une vision moins « alignée sur les rôles stéréotypés ou traditionnels. »
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