Divorce, polygamie… Le Maroc s’apprête à introduire des modifications majeures à son Code de la famille, la Moudawana. Après deux ans de consultations, le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, a dévoilé le 24 décembre une série de propositions visant à renforcer les droits des femmes et des enfants. Cependant, cette réforme, qui devra encore être validée par le Parlement, divise profondément les militantes féministes et les conservateurs du royaume.
Divorce, polygamie, mariage des mineurs…
Parmi les propositions phares, figurent l’interdiction du mariage pour les mineurs et un encadrement plus strict de la polygamie. Désormais, le mariage des mineurs, auparavant permis dès 16 ans, sera interdit. Une exception pourra cependant être accordée sous des conditions rigoureuses pour les jeunes dès 17 ans. De leur côté, les femmes marocaines pourront, lors de la signature de l’acte de mariage, inclure une clause interdisant à leur époux de contracter une seconde union.
Pourtant, la polygamie n’a pas été abolie, une déception majeure pour les associations féministes. En cas de stérilité ou de maladie grave rendant les relations conjugales impossibles, un homme pourra toujours demander l’autorisation de prendre une seconde épouse, sous réserve d’une décision judiciaire.
En matière de divorce, des avancées importantes ont été proposées : la mère divorcée conservera désormais la garde de ses enfants, même en cas de remariage. De plus, le droit de tutelle, jusque-là attribué automatiquement au père, pourrait être partagé entre les deux parents.
Un code de la famille (encore) patriarcale
Si certains points sont salués comme des « pas en avant », de nombreuses militantes expriment leur frustration face à une réforme qu’elles jugent insuffisante. Fouzia Yassine, membre du bureau exécutif de l’Association démocratique des femmes du Maroc, déplore : « Ce n’est pas la réforme globale et radicale que nous attendions, même s’il y a quelques avancées positives. La persistance de l’existence de la polygamie et les exceptions accordées par les juges pour les mariages des filles de 17 ans sont inacceptables. La philosophie du code de la famille, basée sur le patriarcat, n’a pas changé. »
Une réforme tiraillée entre tradition et modernité
Cette révision du Code de la famille s’inscrit dans un contexte où les réformes sociales doivent composer avec une référence religieuse forte. En 2004, une première modification de la Moudawana avait constitué un tournant majeur pour les droits des femmes au Maroc. Cependant, vingt ans plus tard, le texte amendé reste un compromis entre des aspirations féministes et les préceptes religieux.
Lundi, le roi Mohammed VI a réaffirmé que cette réforme devait s’appuyer sur « les principes de justice, d’égalité, de solidarité et d’harmonie » avec les valeurs de l’islam. Une déclaration qui souligne la volonté de ne pas rompre avec les traditions, tout en accompagnant une évolution des droits.
Malgré ces ajustements, de nombreuses militantes estiment que la réforme actuelle ne répond pas aux attentes des femmes marocaines.
Avec des amendements soumis à des résistances conservatrices et des attentes féministes insatisfaites, le projet de loi devra encore surmonter de nombreux obstacles avant de pouvoir être adopté.
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