Claudia Sheinbaum a été investie présidente du Mexique, devenant la première femme à accéder à la plus haute fonction du plus grand pays hispanophone au monde. Ce moment historique marque un tournant pour le Mexique, un pays de 129 millions d’habitants, confronté à des défis majeurs, notamment la violence liée aux cartels de drogue et les disparitions massives. La cérémonie d’investiture, qui a eu lieu mardi, a donné le coup d’envoi d’un mandat de six ans pour l’ancienne maire de Mexico.
Lors de son discours inaugural, Sheinbaum, physicienne de formation, a déclaré : « Je suis mère de famille, grand-mère, scientifique et femme de foi, et à partir d’aujourd’hui, par la volonté du peuple du Mexique, présidente. » Elle a rendu hommage aux femmes mexicaines en ajoutant : « Je n’arrive pas seule, nous arrivons toutes. » Un message fort, qui résonne dans un pays où les femmes ont longtemps été sous-représentées au sommet du pouvoir. À 62 ans, elle devient la première femme élue à la tête du Mexique, après avoir remporté près de 60 % des voix en juin sous l’étiquette du Mouvement pour la régénération nationale (Morena), le parti au pouvoir, et ses alliés.
Un programme basé sur la continuité et des réformes sécuritaires
Sheinbaum arrive à la présidence avec une légitimité forte : elle a recueilli près de 36 millions de voix, ce qui fait d’elle la présidente la mieux élue de l’histoire du Mexique. Son programme s’inspire largement de celui de son prédécesseur, Andres Manuel Lopez Obrador, dont elle a été proche tout au long de sa carrière politique. Le slogan « D’abord les pauvres » et la « austérité républicaine » restent au cœur de ses engagements. Lors de son discours d’investiture, Sheinbaum a exposé son programme en dix principes, reprenant les grandes lignes de la politique sociale et économique de Lopez Obrador.
L’un des enjeux les plus pressants pour la nouvelle présidente est la lutte contre la violence des cartels de drogue, un fléau qui a coûté la vie à plus de 400 000 personnes et fait près de 100 000 disparus depuis 2006, année où l’armée a été mobilisée pour combattre les cartels. Claudia Sheinbaum a réaffirmé son engagement à renforcer la sécurité, en misant sur la collecte de renseignements, des enquêtes approfondies et une meilleure coordination entre les autorités locales et fédérales. Elle a également promis de renforcer la Garde nationale, une force de sécurité créée par son prédécesseur, qui passera désormais sous le contrôle de la Défense.
Cependant, cette mesure suscite des inquiétudes. Le bureau des droits de l’homme des Nations unies a exprimé sa préoccupation face au rôle croissant des militaires dans la sécurité publique, appelant les autorités à redoubler d’efforts pour s’attaquer à la question des disparitions au Mexique. La réforme de la sécurité et la lutte contre la violence seront des tests cruciaux pour Sheinbaum, dans un pays où la sécurité reste un sujet sensible.
Défis économiques et diplomatie avec les États-Unis
Sur le plan économique, la nouvelle présidente a insisté sur la sécurité des investissements étrangers. « Ayez la certitude que les investissements des actionnaires nationaux et étrangers seront sûrs dans notre pays », a-t-elle déclaré, en réponse aux inquiétudes suscitées par une réforme controversée du pouvoir judiciaire, qui prévoit l’élection des juges par un vote populaire à partir de 2025. Cette réforme, unique en son genre, a provoqué des réactions mitigées, notamment aux États-Unis, principal partenaire commercial du Mexique, qui s’inquiètent des conséquences sur la sécurité juridique de leurs investissements privés.
Le président américain Joe Biden a toutefois tenu à souligner les liens étroits entre les deux pays : « Le Mexique et les États-Unis partagent de profonds liens politique, économique et culturel. » Il a réitéré l’engagement des États-Unis à continuer de travailler avec le Mexique, félicitant Sheinbaum pour son investiture.
La nouvelle présidente entame son mandat avec des relations internationales à entretenir, notamment avec ses voisins latino-américains. Parmi les invités de marque présents à la cérémonie d’investiture figuraient le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva, le Colombien Gustavo Petro et le Chilien Gabriel Boric. Après son discours devant le Congrès, Claudia Sheinbaum a partagé un déjeuner avec ses homologues au palais national, siège de la présidence.
Cérémonie indigène et engagement pour les communautés marginalisées
Après ces échanges diplomatiques, Claudia Sheinbaum a participé à une cérémonie symbolique au Zocalo, la place centrale de Mexico, où elle a reçu le « bâton du pouvoir » des mains des peuples indigènes. Cette cérémonie, riche en symboles et en traditions, a rassemblé des dizaines de milliers de personnes. « Petite sœur Claudia, nous te recevons avec amour et avec joie. Tu es la voix de celles qui n’ont pas eu voix au chapitre pendant longtemps », lui a déclaré une représentante des peuples indigènes, au milieu des chants et des rituels traditionnels.
Sheinbaum a également profité de cette occasion pour présenter un programme ambitieux en 100 points, visant à aborder des questions comme la sécurité, l’économie et les relations avec les États-Unis. Après les festivités, elle s’attaquera rapidement aux urgences, à commencer par une visite à Acapulco pour évaluer les dégâts causés par l’ouragan John, qui a fait 15 morts dans le pays.