Violences faites aux femmes : les nouvelles mesures du gouvernement insuffisantes ?

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La rédaction

Le gouvernement a annoncé, lundi 25 novembre, une série de nouvelles mesures pour renforcer la lutte contre les violences faites aux femmes. Ces initiatives, présentées à l’occasion de la journée internationale de lutte contre ces violences, mettent l’accent sur la soumission chimique, une question cruciale au cœur du procès des viols de Mazan. Toutefois, ces mesures sont jugées insuffisantes par les associations et collectifs féministes.

« Un après Mazan » : des kits de détection pour contrer la soumission chimique

« Ces derniers mois, les Français ont été profondément marqués par le courage incroyable de Gisèle Pélicot », s’est exprimé le Premier ministre, Michel Barnier. Lors de sa visite à la Maison des femmes, à Paris, le chef du gouvernement a rappelé l’importance d’une « tolérance zéro » face aux violences sexistes et sexuelles. Il est impératif « d’aller plus loin » pour protéger les victimes et sanctionner les agresseurs, a-t-il déclaré.

Le procès, hors norme, des viols de Mazan, impliquant une cinquantaine d’hommes accusés d’avoir violé Gisèle Pélicot, droguée par son époux, a mis en lumière la nécessité d’agir face à la soumission chimique, encore largement méconnue du grand public.
Michel Barnier a annoncé la mise en place expérimentale de kits de détection de substances facilitant les agressions sexuelles. Ces kits, qui seront remboursés par l’Assurance maladie, seront testés dans plusieurs départements selon un calendrier encore à définir.

Une campagne nationale de sensibilisation sur la soumission chimique va également voir le jour. Portée par l’association M’endors pas, cofondée par la fille de Gisèle Pélicot, Caroline Darian, et la plateforme d’écoute du Crafs (Centre de référence sur les agressions facilitées par les substances), en partenariat avec l’Ordre des pharmaciens. Cette plateforme d’écoute « peut répondre, vous conseiller, et vous indiquer dans quel laboratoire aller ou quoi faire avec vos cheveux, vos prises de sang ou vos échantillons d’urine », a précisé Salima Saa, secrétaire d’État chargée de l’Égalité femmes-hommes.

Déposer plainte à l’hôpital : un dispositif élargi

Autre mesure majeure, l’extension du dispositif permettant aux femmes victimes de violences de déposer plainte directement à l’hôpital. Déjà en place dans plusieurs établissements, ce système sera étendu à 377 structures d’ici fin 2025.

« Pour tous les hôpitaux dotés d’un service d’urgences et d’un service gynécologique, une femme pourra déposer plainte sur place », a expliqué Salima Saa. L’établissement se chargera ensuite de contacter les forces de l’ordre pour qu’un officier vienne enregistrer la plainte.

Un budget en hausse pour soutenir les victimes

L’aide universelle d’urgence, destinée à accompagner les victimes de violences conjugales lorsqu’elles quittent leur domicile, verra son budget augmenter. Passant de 13 millions d’euros dans le projet de loi de finances (PLF) 2024 à 20 millions d’euros en 2025, cette aide a déjà bénéficié à 33 000 personnes depuis sa création. Elle varie de 240 à 1 330 euros selon les situations, avec une moyenne de 800 euros par bénéficiaire.

Par ailleurs, le gouvernement prévoit de doter chaque département d’une Maison des femmes d’ici 2025. Ces structures offrent un soutien multidisciplinaire aux victimes, combinant soins médicaux, accompagnement psychologique et aide juridique.
Selon Salima Saa, « nous avons réussi à obtenir une augmentation de 10 % du budget consacré à l’égalité femmes-hommes », qui atteint désormais 85,1 millions d’euros dans le PLF 2025, soit une hausse de 7,7 millions d’euros.

Des mesures insuffisantes pour les associations féministes

Malgré ces annonces, les associations de défense des droits des femmes jugent ces efforts insuffisants. Elles réclament un budget annuel de 2,6 milliards d’euros et l’adoption d’une loi-cadre intégrale, désignant un ensemble de mesures complètes, comprenant des aspects législatifs, réglementaires, circulaires et budgétaires, pour remplacer une législation actuelle qu’elles qualifient de « morcelée et incomplète ». L’objectif est de combler les failles existantes et de « faire un grand pas en avant dans la lutte contre les violences sexuelles », explique Anne-Cécile Mailfert, présidente de la fondation des femmes.

La présidente qualifie la procédure pénale actuelle d’« inappropriée », notamment lorsqu’il s’agit de juger un viol. « La vie sexuelle de la victime n’a aucun intérêt lorsqu’il s’agit de juger un viol commis par un agresseur à un moment donné », affirme Anne-Cécile Mailfert.
Selon la militante, les classements sans suite des enquêtes sur les violences sexuelles ne sont pas seulement dus à un manque de moyens, mais aussi à un manque de volonté d’enquêter. « Pour traiter correctement toutes les plaintes, il faudrait recruter 5 000 enquêteurs supplémentaires. » Bien que le nombre de plaintes pour viol ait considérablement augmenté, passant de 40 000 en 2017 à 71 000, « les moyens alloués aux forces de l’ordre n’ont pas évolué », explique-t-elle. « Cela rend impossible un traitement efficace de toutes les plaintes », ce qui, huit ans après #MeToo, conduit à un traitement judiciaire plus médiocre.

Les mesures prises par le gouvernement « ne suffiront pas à répondre à l’urgence de la situation », déplore le collectif féministe #Noustoutes, qui dénonce une sous-estimation de l’ampleur des violences faites aux femmes.

En 2023, 96 féminicides conjugaux ont été recensés. Plus de 110 000 victimes de violences sexuelles ont été enregistrées par les forces de l’ordre, dont une écrasante majorité (85 %) sont des femmes. Le collectif #Noustoutes rapporte quant à lui que 122 femmes ont été tuées depuis le début de l’année.

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