L’islamologue suisse sera bien jugé pour viol aggravé et viols sur trois femmes. L’affaire Tariq Ramadan, emblématique de la vague #MeToo, vient de franchir une étape décisive avec la confirmation de son procès par la Cour de cassation.
La Cour de cassation confirme le renvoi en procès
La Cour de cassation a tranché et rejette les pourvois de Tariq Ramadan, et acte son renvoi en procès devant la cour criminelle départementale de Paris. La décision de la plus haute juridiction française marque la fin d’une longue bataille procédurale.
Le 27 juin, la cour d’appel de Paris avait ordonné un procès pour Tariq Ramadan pour un viol aggravé sur une femme et deux viols sur deux autres. Tariq Ramadan avait demandé un non-lieu, mais sa requête a été rejetée.
Le 7 juillet 2023, après six ans d’enquête, deux juges d’instruction avaient ordonné ce renvoi pour des viols sur Henda Ayari, Christelle (prénom d’emprunt), Mounia Rabbouj et une quatrième femme. Selon les avocates des plaignantes, Mes Laure Heinich et Laura Ben Kemoun, cette décision représente « l’aboutissement d’un long combat », tandis que Henda Ayari, l’une des premières à avoir dénoncé Tariq Ramadan, a déclaré sur X « Après sept longues années d’attente, de souffrance et de combat, je vais enfin avoir droit à ce procès que j’attendais désespérément », saluant une « victoire immense » et le franchissement d’une « étape cruciale.»
Des rapports sexuels brutaux
Les accusations portées contre Tariq Ramadan sont marquées par des témoignages décrivant des rapports sexuels d’une brutalité extrême. Les plaignantes, qui ont toutes évoqué des rapports empreints de violence, affirment avoir subi des agressions répétées entre 2009 et 2016. Bien que les juges d’instruction n’aient pas trouvé de preuves matérielles des violences, ils actent la « violence » de Tariq Ramadan comme « dépassant ce qu’une femme pouvait raisonnablement accepter ». L’affaire se focalise donc désormais sur la question de la violence plutôt que de l’emprise, une évolution juridique qui suscite des débats.
Les témoignages des victimes dépeignent un homme dont le comportement sexuel aurait été dominateur et agressif, malgré les tentatives de la défense pour minimiser ces allégations. Me Jonas Haddad, avocat d’Henda Ayari, a souligné l’importance de ce procès pour toutes les victimes, ajoutant que « malgré toutes les manœuvres déployées pour faire plier les plaignantes », l’heure du jugement a sonné.
Mounia Rabbouj, qui avait présenté une robe tachée du sperme de l’islamologue, avait contraint l’intellectuel, qui l’avait d’abord nié, à admettre mi-2018 l’existence de relations adultères avec elle et d’anciennes maîtresses, empreintes « de domination », rudes mais « consenties », un tournant majeur dans ce dossier.
Déjà condamné à 3 ans de prison en Suisse
En parallèle, Tariq Ramadan, qui a toujours nié toute forme de contrainte non consentie dans ses relations avec les plaignantes, a déjà été condamné en Suisse en août dernier à trois ans de prison dont un ferme, pour viol et contrainte sexuelle en 2008. Ses avocats ont saisi le Tribunal fédéral suisse, cour suprême de la Confédération.
Un procès emblématique de l’ère #MeToo
L’affaire Tariq Ramadan s’inscrit au cœur du mouvement #MeToo, symbole de la libération de la parole des femmes face aux violences sexuelles, même lorsque l’accusé est une figure influente. Ce procès incarne la lutte pour la reconnaissance des victimes et la difficulté à obtenir justice dans des contextes de pouvoir, d’influence et de domination. Il vient s’inscrire dans une série d’affaires médiatisées qui ont secoué les milieux intellectuels et religieux.
Au-delà du cas individuel de Ramadan, il s’agit d’un test pour la justice française : celui de montrer que, malgré la notoriété et les manœuvres de défense, les plaintes de violences sexuelles doivent être entendues et jugées, quelle que soit la stature de l’accusé.
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