A quelques mois des Jeux Olympiques de Paris 2024, le groupe Accor et son programme Riise ainsi que The Women’s Voices organisaient un événement sur la thématique des championnes dans les compétitions. L’objectif était de comprendre les défis additionnels pour les athlètes féminines. Les commentaires sexistes, continuent d’affecter l’estime de soi et la performance des sportives. Pour combattre ces inégalités, une prise de conscience et des actions concrètes de la part des organisations sportives, des sponsors et des médias sont impératives.
Marie Patouillet, coureuse cycliste handisport française, Cyril Benzaquen, champion du monde de muay-thaï et de kick-boxing, Priscilla Gneto, Judoka au PSG , ces athlètes multi médaillées ont partagé leur point de vue au micro de Cynthia Illouz, fondatrice de The Women’s Voices.
Un sexisme encore omniprésent pour les championnes
Malgré des avancées notables au cours des dernières décennies, les athlètes féminines continuent de faire face à des préjugés et stéréotypes de genre profondément enracinés. Les remarques sexistes sont encore très fréquentes à l’égard des championnes.
Marie Patouillet, explique que lorsqu’elle était au JO de Tokyo en 2021, seule athlète féminine de l’équipe de France et qu’elle demandait : “ qu’il y ait une ambiance un peu moins sexiste et un peu moins lourde”, on lui a répondu que si elle voulait une autre ambiance, il fallait faire “un sport de fille”. Priscilla Gneto, judoka confirme : “on entend toujours des remarques, c’est devenu tellement banal, c’est vrai que ce n’est pas normal, la parole se libère et on se rend compte à travers d’autres gens que oui, on a vécu des situations ( sexistes)”.
Prendre la parole pour dénoncer des propos sexistes reste encore très compliqué. Marie Patouillet constate qu’encore “très peu de femmes athlètes dénoncent ouvertement le sexisme et mettent des mots objectifs sur ce phénomène”.
La reconnaissance du sport féminin: un enjeu actuel
La reconnaissance et la valorisation du sport féminin restent des défis cruciaux. Malgré l’augmentation du nombre de femmes participant à des compétitions sportives y compris à très haut niveau, les disciplines, lorsqu’elles sont pratiquées par des femmes ne reçoivent clairement pas le même respect que lorsque la pratique est masculine. Priscilla Gneto, judoka entend encore régulièrement avec ses collègues athlètes qu’elles “ sont des danseuses. »
Cyril Benzaquen, champion de kick-boxing, s’en rend compte : les femmes championnes ne reçoivent pas la même attention. Il explique qu’il faut changer de perspectives et d’arrêter de ne prendre en compte que des critères de force, alors que les championnes vont par exemple “ être beaucoup plus techniques.”
La question des role models est également très déterminante pour les jeunes générations, avoir des femmes à qui se référer peut être décisif dans la décision d’une jeune fille de décider de pratiquer un sport à haut niveau. Priscilla Gneto en a conscience: “ il est important pour moi de montrer qu’il y a des filles qui font du judo( …) c’est un rôle auquel je tiens énormément et parler du sport au féminin est capital.”
La rémunération et les finances des championnes
Pour les athlètes non professionnelles, n’étant pas salariées, les revenus des activités sportives proviennent des sponsors.
Aujourd’hui, Marie Patouillet se réjouit de voir que de nombreuses entreprises, comme Accor, signent des contrats de sponsoring d’un montant égal entre les champions et les championnes .
En ce qui concerne les athlètes féminines, en contrat salarié, dans un club, les différences sont encore très importantes. Du côté des compétitions, les gains sont nettement en désavantage pour les femmes . Cyril Benzaquen le remarque : “ Les athlètes femmes ont moins de récurrence, moins de compétitions et moins de revenus et quand elles ont des compétitions, elles sont moins bien rémunérées.”
Les différences de salaires entre hommes et femmes dans le sport de haut niveau peuvent atteindre jusqu’à 50%, un écart considérable qui reflète le manque de valorisation des athlètes féminines.
Le sexisme dans le sport ne se limite pas aux disparités économiques; il s’exprime également à travers le manque d’accès d’intérêt médiatique.
Manque de visibilité médiatique
Par exemple, lors des Jeux Olympiques de 2016, les femmes ont représenté 45% des athlètes, un chiffre record, mais cela ne s’est pas nécessairement traduit par une couverture médiatique ou une reconnaissance équivalente.
Une étude récente a révélé que seulement 4% de la couverture médiatique sportive est dédiée aux femmes, soulignant l’inégalité flagrante dans la reconnaissance et la valorisation des performances féminines.
La visibilité accrue des athlètes féminines dans les médias est essentielle pour changer les perceptions et augmenter la popularité des sports féminins. Une plus grande couverture médiatique peut également entraîner une augmentation des sponsorisations et des investissements dans le sport féminin, créant ainsi un cercle vertueux qui bénéficie à toutes les parties prenantes. Les institutions et les organisations sportives doivent donc s’engager à promouvoir l’égalité dans la couverture des événements sportifs, quel que soit le genre.
L’importance d’un environnement favorable dans la compétition féminine
Un environnement favorable est déterminant pour la réussite et le bien-être des athlètes féminines. Cela signifie non seulement des installations et des équipements de qualité mais aussi un soutien médical, psychologique et émotionnel adéquat. Actuellement, de nombreuses athlètes féminines doivent faire face à des environnements d’entraînement et de compétition qui ne répondent pas à ces critères de base. Le soutien institutionnel, tel que l’accès à des programmes de santé mentale et des ressources de récupération physique, est essentiel pour permettre aux femmes de performer à leur meilleur niveau.
Marie Patouillet explique à quel point “ l’environnement de la performance est plus compliquée, il y a un réel déséquilibre entre le bien-être et les privilèges qui sont accordés aux athlètes masculins et toutes les blagues sexistes qui peuvent en suivre pour soit disant relâcher la pression, sauf que ce sont des comportements qui sont pénalisables pour les athlètes féminines parce que nous ça nous pèse, ça nous met des pensées limitantes et du coup ça nous donne pas accès à un environnement de performance équitable” …
La création d’une culture sportive exempte de harcèlement et de discrimination est cruciale. Cela implique l’éducation des entraîneurs, des athlètes et des fans sur l’importance du respect et de l’égalité. Encourager les modèles féminins dans le sport peut également inspirer les jeunes filles à s’engager et à persévérer dans leurs disciplines respectives.
En augmentant la couverture médiatique, en combattant le sexisme et en fournissant un environnement de soutien, la société dans son ensemble peut contribuer à l’avancement des femmes dans le sport. Cela non seulement rend hommage à leurs performances mais ouvre également la voie à de futures générations d’athlètes féminines.