Depuis 20 ans, le métier de sage-femme s’est largement étendu mais leurs compétences restent encore méconnues. Au delà des accouchements, celles et ceux qui exercent la profession peuvent aussi s’occuper du suivi gynécologique, de la contraception, de la vaccination et bientôt l’IVG (Interruption Volontaire de Grossesse) instrumentale.
Habilitées aux examens et à la contraception depuis 2009
Isabelle Derrendinger, présidente du Conseil national de l’Ordre des sages-femmes regrette que “quand on pose la question, tout le monde sait que les sages-femmes sont présentes au moment d’une naissance. Mais tout le suivi gynécologique est dans l’ombre.”
Depuis 2009, les sages-femmes sont habilitées à “effectuer des examens de prévention comme le frottis, la prescription d’une contraception, y compris la pose d’un stérilet”, poursuit Isabelle Derrendinger.
De nombreux déserts médicaux en centre-ville sont en recherche de solutions et “trop peu de femmes savent que dès lors qu’elles sont en bonne santé, elles peuvent venir nous voir” tout au long de leur vie.
Les sages-femmes aussi habilitées à traiter des cas d’IVG
Dans un contexte de désertification médicale, les pouvoirs publics ont depuis amendé la loi à plusieurs reprises. Ces lois permettent à cette profession de dépister et traiter certaines infections sexuellement transmissibles (IST), prescrire certains médicaments ou réaliser des IVG médicamenteuses.
Un décret, publié dimanche, leur permet désormais, après formation, de pratiquer des IVG instrumentales en milieu hospitalier, seul endroit où cette intervention peut être pratiquée. Depuis août 2023, un autre texte leur a donné la possibilité de vacciner toute la population selon le calendrier vaccinal (sauf les personnes immuno-déprimées). Les sages-femmes peuvent également dépister et traiter certaines IST chez les partenaires de leurs patientes depuis 2021.
Une alternative au manque de places et de prises en charge chez les médecins
Prisca Wetzel-David, présidente de l’Union nationale et syndicale des sage-femmes (UNSSF) explique que “Bien sûr, on ne traite pas les personnes atteintes d’hépatite, de VIH, qu’on réoriente vers un médecin. Mais on peut traiter le chlamydia (une infection sexuellement transmissible) par exemple.”
Dans son cabinet parisien, Prisca Wetzel-David reçoit “très régulièrement” des femmes étonnées de voir qu’elles peuvent se rendre chez leur sage-femme. Elles sont souvent “informées par une amie, une collègue”, après avoir “longtemps cherché un rendez-vous gynéco”. Quelques-unes “viennent aussi parce que leurs mutuelles ne couvrent pas bien les dépassements d’honoraires des médecins”.
Des rendez-vous facilités avec les sages-femmes
A 32 ans, Trinh Nguyen-Dinh, habitant en région parisienne, découvre “cette possibilité” fin 2022. “Chez ma gynéco, toujours débordée, je prenais rendez-vous minimum six mois à l’avance, parfois plus. Un jour, j’en ai eu marre. Je n’avais vu personne depuis deux ans et une amie m’a conseillé un homme sage-femme qui la suivait. J’ai eu rendez-vous dans la semaine. C’était génial”.
Pour le suivi de sa grossesse quelques mois plus tard, elle choisit d’être suivie par une sage-femme. “Les consultations sont longues, j’avais toujours cette sensation qu’elle avait le temps de répondre à mes questions, me rassurer. Je n’ai vu le gynécologue qu’au huitième mois, à la maternité”, raconte-t-elle.
Une femme sur trois ne consulte pas de gynécologue en deux ans
Une autre sage-femme suit désormais l’allaitement à domicile. “Ce suivi de grossesse de A à Z auprès d’une sage-femme en ville est de plus en plus répandu, il est possible dès lors qu’il n’y a pas de pathologies”, souligne Caroline Combot, présidente de l’ONSSF (Organisation nationale des syndicats de sages-femmes), qui exerce à Belfort.
Depuis automne 2023, les femmes enceintes peuvent même déclarer une sage-femme dite “référente”, chargée de coordonner son parcours de grossesse: organiser l’aspect administratif, le lien avec les autres soignants impliqués, etc.
“Les femmes de moins de 30 ans sont de mieux en mieux informées” mais les autres “beaucoup moins”, malgré la nécessité d’effectuer des dépistages d’IST et de cancers. Caroline Combot réclame “une vraie campagne de communication”, avec spots et affiches. Selon une étude Ifop réalisée en 2022 pour la plateforme Qare, une femme sur trois n’avait pas consulté de gynécologue depuis plus de deux ans, et 22% depuis trois ans.
Les sages-femmes, aussi en repérage des violences conjugales
Le rôle des sages-femmes est encore amené à évoluer, notamment dans l’éducation sexuelle, la prévention des addictions ou le repérage des violences conjugales. Mais l’activité “augmente beaucoup plus vite que le nombre de professionnelles” et “nos délais s’allongent aussi”, observe Prisca Wetzel-David, qui appelle à donner “plus d’attractivité au métier”.
Plus d’un tiers des 24 354 sages-femmes recensées début 2023 avaient une activité libérale, ou en partie libérale, contre 20% en 2012, selon les chiffres du ministre de la Santé. Le métier de sage-femme est accessible après six ans d’études.
Lire aussi : Des maternités franciliennes bondées de femmes sans-abris, faute d’hébergements d’urgence