Réparer les victimes d’excision… Dans l’unité spécialisée de l’hôpital de Montreuil, des femmes victimes de mutilations génitales retrouvent espoir et dignité grâce à la chirurgie réparatrice. Elles sont plus de 125 000 en France, estime le ministère de l’Egalité femmes-hommes.
« Depuis mon opération (…) c’est comme une nouvelle vie »
Depuis 2017, l’hôpital de Seine-Saint-Denis accompagne des centaines de patientes excisées, leur offrant un parcours de soin complet, du soutien psychologique à l’intervention chirurgicale.
Bintou, 27 ans, a découvert par hasard qu’elle avait été excisée au Mali alors qu’elle était encore bébé. Après une opération réparatrice, elle témoigne : « Depuis mon opération, je me sens libérée. C’est comme une nouvelle vie. » Comme elle, de nombreuses femmes passées par cette unité décrivent la reconstruction comme un moment de renaissance.
Dans cette unité, les patientes sont accompagnées à chaque étape : elles rencontrent d’abord une sage-femme, puis une psychologue, une sexologue et enfin une chirurgienne. « L’opération est importante, mais l’accompagnement psychologique est essentiel. Beaucoup de femmes portent un traumatisme profond », explique Sarah Abramowicz, gynécologue obstétricienne à l’origine de ce service.
L’importance de cette prise en charge globale réside aussi dans la volonté de restaurer l’intégrité corporelle, mais aussi la confiance en soi. « Certaines patientes disent que c’est comme récupérer ce qui leur a été volé », ajoute la spécialiste.
Une chirurgie pour reconstruire le clitoris
L’intervention consiste à reconstruire le clitoris à partir des tissus restants, selon une technique développée par le chirurgien Pierre Foldès. « C’est une opération relativement simple, utilisant des techniques similaires à celles de la chirurgie de réassignation de genre », précise Emilie Orain, chirurgienne de l’unité.
Désormais, à partir du 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, le parcours de soin sera intégralement pris en charge par la Sécurité sociale. Jusque-là, seule l’opération était remboursée. Si l’expérimentation de trois ans est concluante, le dispositif pourrait être étendu à l’ensemble du territoire français.
Une revanche physique et symbolique
Au-delà de l’aspect chirurgical, cette démarche est une véritable « revanche » pour certaines femmes. Bintou, par exemple, a fait le choix de ne pas en parler à sa famille avant l’opération : « Quand j’ai été excisée, personne ne m’a demandé mon avis. Cette fois, c’était ma décision. »
Djeni Coulibaly, une patiente ivoirienne de 30 ans, exprime son soulagement après avoir fui un mariage forcé et subi l’intervention : « Je trouve ça joli, je suis très contente, ça m’a fait oublier beaucoup de choses. »
Cependant, le chemin reste semé d’embûches. « L’opération peut réveiller des traumatismes, des flashbacks, des cauchemars. C’est pour cela qu’on la réalise sous anesthésie générale », prévient la chirurgienne. Nombreuses sont aussi les femmes qui cachent leur démarche à leur entourage. « Dans certaines cultures, on pense que les femmes deviennent intenables si on ne leur coupe pas le clitoris », déplore Emilie Orain.
Lutter contre les violences faites aux femmes avec la médecine
Chaque année, près de 200 femmes suivent ce parcours à Montreuil, et la moitié choisit de se faire opérer. D’ici trois ans, l’unité espère en accueillir un millier. L’initiative de Montreuil s’inscrit dans un combat plus large : « C’est une lutte féministe. On répare, mais on lutte aussi contre les violences faites aux femmes », affirme Sarah Abramowicz.
Avec près de 125.000 femmes excisées en France, selon le ministère de l’Égalité femmes-hommes, ces dispositifs sont cruciaux. Certaines patientes de Montreuil ont été excisées en France dans les années 1980, comme cette femme qui se souvient de la douleur ressentie à six ans, dans un appartement en région parisienne. Leur mutilatrice, Hawa Gréou, a été condamnée à huit ans de prison en 1998 pour avoir excisé 48 fillettes.
Au-delà de la chirurgie, certaines femmes trouvent aussi refuge en France pour éviter à leurs filles de subir la même violence. C’est le cas de nombreuses patientes de l’unité, qui ont fui leur pays pour protéger leurs enfants.
Si réparer le corps est possible, effacer les souffrances psychologiques reste un défi. Pourtant, pour celles qui franchissent cette étape, la reconstruction est bien plus qu’une opération : c’est la reconquête d’elles-mêmes.
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