De criminel à monsieur-tout-le-monde, sept hommes accusés d’avoir violé Gisèle Pelicot sont interrogés cette semaine à Avignon. Leurs parcours sont retracés, leurs vies décortiquées et leur état mental diagnostiqué par un psychiatre. Le procès des viols de Mazan, qui se déroule à la cour criminelle départementale du Vaucluse depuis plusieurs semaines, continue de révéler la diversité des profils des accusés.
La diversité des accusés
Depuis l’ouverture du procès le 2 septembre dernier, la cour criminelle du Vaucluse s’est principalement concentrée sur les parcours de vie des sept hommes interrogés cette semaine. Ces accusés, âgés de 36 à 70 ans, présentent des profils très différents. Parmi eux, certains ont déjà fait de longues peines de prison pour des crimes antérieurs, tandis que d’autres n’ont jamais été condamnés.
Cette semaine figurent Patrice N., électricien de 55 ans qui lors de son interrogatoire d’interpellation avait qualifié Dominique Pelicot de « malade » mais n’avait pas jugé bon de prévenir la police pour ne « pas perdre » une journée au commissariat. Florian R., chauffeur-livreur de 32 ans qui affirme avoir eu « peur » de Pelicot. Grégory S., 31 ans, déjà condamné pour détention de stupéfiants, recel et violences en réunion. Quentin H., ex-policier de 34 ans, devenu gardien de prison qui a reconnu les faits. Jean-Luc L., ouvrier de 46 ans, seul de ces accusés à comparaître détenu. Il avait reconnu les faits et s’était dit « sincèrement désolé pour madame » à l’ouverture du procès.
L’objectif de cette première phase est de dresser un tableau complet des personnalités des accusés à travers les témoignages d’enquêteurs, de psychiatres et de leurs proches. Ces éléments, en cas de culpabilité avérée, permettront de déterminer les peines à prononcer, qui pourraient aller jusqu’à 20 ans de réclusion pour les viols aggravés.
Redouane A. : des antécédents criminels
Mercredi 16 octobre, Redouane A., 40 ans, a été examiné par la cour. Il s’est exprimé en visioconférence. Surnommé « Miloud », il est accusé d’avoir violé Gisèle Pelicot à deux reprises, à l’invitation de son mari, Dominique Pelicot. Ce dernier a reconnu avoir drogué sa femme à son insu pour la violer, et la faire violer par des dizaines d’hommes rencontrés sur le site coco.fr.
Redouane A. a déjà passé plus de sept années en prison pour violences conjugales. « Impulsif et irritable », selon le Dr Olivia Ple, psychiatre ayant examiné l’accusé, il présente une tendance à se percevoir comme une victime. L’homme a connu sa première incarcération en 2001, lorsqu’il était mineur, pour des faits de « séquestration » a t-il précisé. Il a par la suite été condamné 22 fois pour « bagarres, insultes envers les forces de l’ordre, recel. »
Redouane A. a justifié les viols sur Gisèle Pelicot en prétendant que l’accord du mari suffisait. « C’est pas grave qu’elle dise rien : lui était d’accord » s’est défendu l’accusé. « J’ai dit oui pour faire plaisir, je suis très naïf », a t-il ajouté.
Les experts soulignent chez lui un « mépris total de l’autre, une recherche de son plaisir propre et une considération archaïque de la place de la femme. » Malgré des troubles de la personnalité, il ne souffre pas de pathologie mentale qui aurait « altéré son discernement », a insisté la médecin.
Ahmed T. : intégré mais accusé
À l’opposé de Redouane A., Ahmed T., 54 ans, présente un profil socialement intégré. Plombier de profession, sans casier judiciaire, il vit depuis plus de 30 ans avec la mère de ses enfants, et mène une vie apparemment stable.
Initialement inscrit sur coco.fr pour « échanger sur la musique » et sur « les vieilles voitures », il fait la rencontre de Dominique Pelicot. Il raconte ses premiers échanges avec lui. « Je vois : “couple cherche H”, c’est-à-dire “homme”. »
« Ça faisait deux ou trois ans qu’avec mon épouse on avait beaucoup moins de relations… On s’est éloignés sexuellement », raconte Ahmed T. Il assure par la suite, en parlant du mari, ne « jamais (avoir) imaginé rencontrer un personnage aussi dangereux. »
Abdelali D. : emmené par sa compagne
Abdelali D., 48 ans, alias “Mehdi” était venu à deux reprises au domicile des Pelicot en janvier puis mars 2018. Sa propre compagne l’avait emmené, au moins une fois, et l’avait attendu dans la voiture.
“Mehdi” avait été interpellé après avoir été reconnu par la compagne d’un autre accusé, interrogée par les policiers sur cette affaire. Des photos de lui dans la chambre des Pelicot lui ont été présentées, malgré tout il avait nié en indiquant qu’il s’agissait d’un sosie. Au premier jour d’audience, il avait cependant reconnu les accusations.
7 accusés interrogés
Les sept accusés de la semaine doivent être interrogés sur les faits précis. Leurs témoignages seront cruciaux pour clarifier leur rôle dans cette affaire où le consentement de la victime, droguée à son insu, n’a jamais été obtenu. Les juges devront trancher sur des faits aussi horrifiants qu’inédits, tout en prenant en compte la diversité des parcours de ces hommes et la variété de leurs profils.
Le verdict final est attendu à la mi-décembre.