L’Arabie saoudite est élue à la présidence de la 69ème Commission de la condition de la femme aux Nations Unies. Cette instance qui traite en faveur des droits des femmes et de l’égalité des sexes prend à sa tête l’un des pays les plus plus répressifs au monde envers les femmes, malgré de très rares progrès ces dernières années.
L’Ambassadeur Abdulaziz Alwasil élu sans opposition de la Commission
Sans objections de la part des 45 membres de la Commission qui n’avaient pas de candidat rival, l’ambassadeur saoudien Abdulaziz Alwasil a été élu et acclamé, lors de la réunion annuelle de la Commission à New York le 27 mars. La France n’est pas cette année membre de la Commission mais d’autres pays auraient pu s’opposer comme l’Espagne, l’Autriche ou la Suisse.
Les Philippines auraient dû rester encore un an à sa tête, après un an seulement à la présidence de la Commission dont la durée classique d’un mandat est normalement de deux ans.
Mais selon des informations du journal The Guardian, il semblerait que ce pays ait fait l’objet de pressions de la part de pays d’Asie pour céder leur place un an plus tôt. D’après le quotidien britannique, le Bangladesh était censé leur succéder, mais l’Arabie saoudite se serait imposée au terme d’un«lobbying vu par beaucoup comme une tentative de redorer son image».
De nombreuses contestations extérieures
Cette nomination s’est faite sans l’opposition des autres membres de la Commission. Au moment où le président sortant, Antonio Manuel Lagdameo, l’envoyé philippin auprès des Nations unies, demande aux 45 membres s’ils ont des objections, le silence règne dans l’hémicycle. « Je n’entends pas d’objection, déclare-t-il, c’est donc décidé ».
A contrario, plusieurs voix extérieures n’ont pas hésité à dénoncer cette décision. Dès la veille de l’annonce attendue, Sherine Tadros, responsable adjointe du travail de plaidoyer à Amnesty International, rappelle le sens de la Charte des Nations unies qui « énonce clairement comme l’un des principaux objectifs de l’ONU le respect des droits humains ».
Bilan “catastrophique” de l’Arabie saoudite
« Être membre de ses organes chargés de défendre les droits humains implique une responsabilité supplémentaire en vue de consolider ce respect, au niveau mondial et national, explique-t-elle, d’autant plus pour assumer des rôles de direction au sein de ces organes ».
En ce sens, elle n’hésite pas à qualifier de « catastrophique » le bilan de l’Arabie saoudite lorsqu’il s’agit de « protéger et de promouvoir les droits des femmes » et affirme que ce bilan « met en lumière le fossé entre la réalité que vivent les femmes et les filles dans le pays, et les aspirations de la Commission ».
« Mépris choquant pour les droits des femmes partout dans le monde »
Louis Charbonneau, directeur du plaidoyer auprès des Nations unies à Human Rights Watch (HRW), a exprimé la même indignation sur X, au nom de l’organisation, dénonçant un « mépris choquant pour les droits des femmes partout dans le monde ». « Un pays qui emprisonne des femmes simplement parce qu’elles défendent leurs droits, assène-t-il, n’a rien à faire au sein du principal forum des Nations unies pour les droits des femmes et l’égalité des sexes ».
Il encourage les autorités saoudiennes à « démontrer que cet honneur n’était pas totalement immérité » et à « libérer immédiatement tous les défenseurs des droits des femmes détenus, mettre fin à la tutelle masculine et garantir le plein droit des femmes à l’égalité avec les hommes ».
Les droits des femmes en Arabie saoudite
Si la place des femmes dans le pays s’est grandement améliorée ces dernières années, les laissant notamment libres de conduire, de ne pas être voilées dans l’espace public ou de détenir un passeport pour voyager, elle n’en reste pas moins l’une des plus répressives au monde.
Il n’y a pas si longtemps une Saoudienne victime d’un viol collectif avait été condamnée à six mois de prison et à 200 coups de fouet et des fillettes étaient mariées de force à 8 ans…
En Arabie Saoudite, le viol conjugal n’existe pas, les crimes d’honneurs ne sont pas pénalement répréhensibles, en revanche le crime d’homosexualité existe bien tout comme le sexe hors mariage… enfin surtout pour les femmes donc…et encore récemment des féministes saoudiennes qui ont fait quelques tweets ont été emprisonné à vie. “Les autorités saoudiennes doivent immédiatement libérer Manahel al-Otaibi, une coach sportive, défenseure des droits humains et blogueuse de 29 ans, qui a disparu de force depuis novembre 2023”, dénonce Amnesty International.
Sans répondre directement aux reproches qui lui sont faits, l’Arabie saoudite rappelle sa loi de 2022 sur le « statut personnel » pour témoigner des avancées des droits des femmes saoudiennes.
Cette loi note par exemple que la dot appartient à la femme sans qu’elle ne soit tenue de la mettre à la disposition de qui que ce soit. Elle explique également qu’un tuteur masculin n’a désormais plus la possibilité d’interdire à une femme de se marier avec l’un de ses pairs.
La femme, toujours à la merci de son mari dans le pays
Malgré cela, elle affirme aussi qu’une autorisation d’un tuteur masculin reste nécessaire pour qu’une femme puisse se marier, qu’une femme doit obéir à son mari d’une « manière raisonnable », et que le soutien financier de son mari dépend de l’« obéissance » de la femme. Ce soutien financier peut également être retiré en cas de refus d’avoir des relations sexuelles avec son mari, de vivre dans le domicile conjugal ou de voyager avec lui sans « excuse légitime ».
Nommer l’Arabie saoudite à la tête d’un forum sur les droits des femmes face à un tel bilan ne fait donc pas l’unanimité. Mais le pays n’est pas le premier à susciter la controverse dans le cadre de cette commission. Trois ans plus tôt, le choix de l’Iran pour sa présidence en 2021 avait déjà fait polémique.
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