L’évolution du Code civil : du « devoir conjugal » à l’égalité des sexes ?

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La rédaction

Du « devoir conjugal » à l’égalité des sexes ? Depuis sa création en 1804, le Code civil français a été le théâtre de multiples réformes. L’un des aspects les plus marquants de cette évolution concerne le « devoir conjugal. » Peut-on maintenant affirmer que le code civil est un « socle solide » de l’égalité ?

La fin du « devoir conjugal » : le désir de la femme revendiqué

Le Code civil de Napoléon, ou Code Napoléon, a instauré une vision du mariage marquée par des inégalités profondes entre hommes et femmes. Le mariage n’était pas seulement une union sociale et familiale, mais aussi une institution régissant la sexualité et l’intimité des époux. Le « devoir conjugal », bien qu’implicite dans le texte, imposait à la femme mariée une obligation de consentir à la vie sexuelle avec son époux, souvent sans tenir compte de son propre désir.

Irène Théry, sociologue spécialisée dans la sociologie du droit et de la famille, revient sur cet aspect du Code civil : « Le mariage étant fait pour donner un père aux enfants que les femmes mettent au monde, il y a un « devoir conjugal », même s’il n’est pas nommé. On peut même dire que le droit institue en réalité un « consentement statutaire de la femme mariée ».

Cette obligation de consentement était fondée sur l’idée que la femme, une fois mariée, faisait partie intégrante de la « communauté de toit et de lit », et qu’elle ne pouvait s’opposer aux attentes sexuelles de son mari, ni même revendiquer son propre désir.

Le viol conjugal reconnu : la fin du « consentement statutaire »

Le « devoir conjugal » était intrinsèquement lié à une vision patriarcale du mariage, où l’homme était perçu comme le détenteur de la puissance maritale, et la femme, en tant qu’épouse, devait lui « obéir ». En conséquence, la sexualité masculine était considérée comme une expression de virilité, tandis que la sexualité féminine devait être restreinte au cadre marital, et toute infidélité féminine était sévèrement punie. « La sexualité valorisée, c’est la sexualité dans le mariage. Mais avec un principe de hiérarchie des sexes et une double morale pour les hommes et pour les femmes », explique Irène Théry.

Dans ce contexte, le consentement féminin n’était jamais vraiment questionné. En 1990, un tournant majeur a eu lieu lorsque la Cour de cassation a reconnu pour la première fois le viol conjugal, affirmant qu’une femme mariée avait le droit de refuser des rapports sexuels avec son mari, mettant ainsi fin à l’idée du « consentement statutaire ». Il a fallu près de 200 ans pour que ce principe archaïque soit renversé, illustrant une lente évolution vers une plus grande reconnaissance des droits des femmes.

L’égalité des époux : la fin de la « puissance maritale »

Les années 1960 et 1970 ont été cruciales pour le réajustement du Code civil aux réalités contemporaines. C’est à cette époque que l’on a vu émerger un nouveau modèle fondé sur l’égalité entre les sexes, la liberté individuelle, et le respect des droits de l’enfant. La révision du Code civil a permis d’abolir progressivement la notion de la « puissance maritale » et a instauré l’égalité des époux dans le cadre familial.

Irène Théry souligne que, pendant cette période, « les femmes avaient gagné l’égalité des droits politiques en 1945, elles gagnent peu à peu l’égalité des droits dans la famille. » La révision du Code civil a été marquée par la suppression de l’autorité paternelle au profit de l’autorité parentale exercée conjointement par les deux parents, ainsi que par l’introduction du divorce par consentement mutuel en 1975. Ces réformes ont transformé le mariage en un partenariat plus équilibré, respectueux des droits et désirs de chaque membre du couple.

Un « socle solide » de l’égalité ?

Aujourd’hui, le Code civil repose sur des principes d’égalité entre hommes et femmes. La disparition du « devoir conjugal » et la reconnaissance du consentement mutuel dans les relations conjugales en sont des exemples. « Aujourd’hui, le Code civil refuse toute hiérarchie des sexes et repose sur un socle solide d’égalité – en droit – entre les femmes et les hommes », affirme Irène Théry.

Les réformes récentes ont permis de garantir que le mariage et les relations sexuelles dans le cadre du mariage ne puissent plus être régis par une vision unilatérale où la femme était simplement une obligation à satisfaire. Cependant, la sociologue note qu’il reste des enjeux à surmonter. En particulier, la question de la filiation et des droits en matière de vieillesse, ainsi que des menaces récentes contre les droits acquis en matière d’IVG et de reconnaissance des minorités sexuelles.

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