C’est une découverte extraordinaire qui secoue le monde de l’art. Un commissaire-priseur découvre une version de L’Âge mûr de Camille Claudel perdue depuis des décennies. Alors que cette sculpture est emblématique, il n’en n’existe que quelques exemplaires. Deux d’entre eux sont au musée d’Orsay et au musée Rodin à Paris, un troisième au musée Camille Claudel.
Une découverte à 3,1 millions d’euros
C’est en septembre dernier que le commissaire-priseur, Matthieu Semont, est mandaté pour un inventaire successoral. Il se retrouve alors dans un appartement parisien, situé au pied de la Tour Eiffel et inoccupé depuis plus de 15 ans. Cachée sous un drap, cette version de L’Âge mûr est finalement découverte. Lorsqu’il soulève le tissu recouvrant la sculpture, il reconnaît immédiatement la posture de L’Implorante, l’une des figures emblématiques du bronze. « J’étais saisi d’émotion. C’était une rencontre magique, j’en ai pleuré », confie Matthieu Semont. Il ajoute ensuite que cette version, dont on avait perdu la trace depuis plus d’un siècle, est d’une « qualité stupéfiante ».
L’annonce de cette découverte a créé un véritable engouement. Conservateurs, collectionneurs, et simples curieux se sont pressés pour admirer l’œuvre avant la mise aux enchères organisée par la maison Philocale. Lors de la vente, la tension était à son comble. Cinq enchérisseurs se sont affrontés au téléphone pendant une quinzaine de minutes. Finalement, le dernier coup de marteau est tombé à 3,1 millions d’euros, soit 3,663 millions d’euros avec les frais. L’identité de l’acheteur demeure inconnue, mais l’événement a suscité une immense ferveur parmi les 350 spectateurs présents, qui ont ovationné la clôture de cette « aventure unique » selon Matthieu Semont.
Une pauvre symbolique chargée d’histoire
Datée entre 1892 et 1898, L’Âge mûr illustre la trajectoire artistique et sentimentale de Camille Claudel. Cette sculpture met en scène trois figures : un homme mûr éloigné par une femme plus âgée tandis qu’une jeune femme à genoux (L’Implorante) tente de le retenir. De nombreux amateurs d’art interprètent ce groupe sculptural comme une représentation de la relation tumultueuse entre Camille Claudel et son mentor Auguste Rodin. L’œuvre, commandée par l’État mais jamais finalisée, symbolise aussi la descente aux enfers de l’artiste après sa rupture avec Rodin. Celui-ci, bouleversé en découvrant la figure de L’Implorante chez le fondeur Eugène Blot, n’a jamais cessé de l’aimer, selon plusieurs historiens de l’art.
Son talent ait été longtemps éclipsé par la figure tutélaire de Rodin. Cependant, Camille Claudel jouit aujourd’hui d’une reconnaissance internationale. En novembre 2017, la vente de 17 de ses sculptures avait déjà largement surpassé les estimations, confirmant l’engouement croissant pour son travail. La présente vente démontre une fois de plus la place essentielle qu’elle occupe dans l’histoire de l’art. L’Âge mûr, exposé dans de rares exemplaires aux musées d’Orsay, Rodin et Camille Claudel, continue de captiver par sa force expressive et sa poignante narration. « C’est une des plus belles pages de l’histoire de l’art », déclare Alexandre Lacroix, expert en sculpture. Cette vente record renforce la côte de Camille Claudel sur le marché de l’art et inscrit son nom parmi les plus grands artistes de son temps. Une reconnaissance tardive mais largement méritée pour une femme dont le génie créatif a traversé les âges.