La route s’annonce longue pour la parité… Une étude de l’Observatoire des Entreprises alerte sur la lente féminisation des postes de direction. Alors que les femmes représentent près de la moitié des actifs, elles ne dirigent qu’un quart des entreprises en France.
Une progression lente et inégalitaire
La parité femmes-hommes à la tête des entreprises françaises reste un horizon lointain. Selon une étude publiée vendredi 7 mars 2025 par la Banque de France, il faudra attendre 2075 pour que les femmes soient aussi nombreuses que les hommes à diriger des entreprises. Une projection alarmante, mais réaliste au vu de la dynamique actuelle.
En 2023, les femmes représentaient 52 % de la population française et 49 % de la population active. Pourtant, elles n’étaient que 25 % à occuper des postes de dirigeantes d’entreprise. Le chiffre tombe même à 17 % dans les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et les grandes entreprises. Il y a vingt ans, elles n’étaient que 5 % dans ces structures.
« À ce rythme, il faudrait encore cinquante ans pour atteindre la parité dans les microentreprises, et encore davantage dans les plus grandes structures », notent Nicoletta Berardi et Benjamin Bureau, auteurs de l’étude.
Des secteurs encore très masculins : construction, transport…
Le secteur d’activité reste un facteur déterminant. Les femmes sont presque absentes des postes de direction dans la construction (4 %) ou le transport (10 %). En revanche, elles sont mieux représentées dans les domaines historiquement féminisés : 35 % des entreprises du secteur enseignement-santé-action sociale sont dirigées par des femmes, et ce taux monte à 46 % dans les services liés à l’art, au spectacle et aux activités récréatives.
Une situation qui reflète la persistance des stéréotypes de genre dans l’orientation professionnelle comme dans la perception des compétences. Pour Patrick Martin, président du Medef, ces écarts s’expliquent en partie par le fait qu’il existe « des métiers genrés ». Fin janvier, il confiait : « On ne sera pas prêts » pour l’échéance de la loi Rixain.
Objectif 2026 : une marche encore haute
La loi Rixain, adoptée en 2021, impose qu’au moins 30 % de femmes siègent dans les comités exécutifs d’entreprises dès mars 2026. Un seuil minimal qui semble pourtant difficile à atteindre.
Car les freins sont multiples. L’étude souligne que « les femmes doivent franchir plus de barrières que les hommes pour devenir dirigeantes », parmi lesquelles figurent des contraintes familiales plus pesantes.
Une enquête menée en 2022 par Bpifrance révèle que 37 % des conjoints de dirigeantes ne participent pas à la gestion quotidienne du foyer, contre seulement 14 % des conjointes de dirigeants. Cette inégalité dans la sphère privée continue de se répercuter sur les carrières féminines.
Des barrières qui privent l’économie française de dirigeantes talentueuses
Les auteurs de l’étude de la Banque de France rappellent un principe fondamental : « la distribution des talents est identique » entre les sexes. Ce constat rend d’autant plus préoccupante l’éviction systémique de nombreuses femmes du haut de la hiérarchie économique. Ces « barrières » sont, selon eux, « de nature à priver l’économie française de dirigeantes talentueuses », au profit de « certains dirigeants masculins moins compétents ».
L’impact ne se limite pas aux trajectoires individuelles. Il s’agit d’un véritable enjeu de performance économique. En 2019, une étude dirigée par l’économiste américain Chang-Tai Hsieh a montré que la baisse des discriminations à l’encontre des femmes et des minorités avait contribué à 30 % de la croissance économique des États-Unis entre 1960 et 2010.
Alors que la question de la parité dans les conseils d’administration a longtemps occupé le devant de la scène, c’est désormais au cœur exécutif des entreprises que se joue la prochaine bataille. La loi Rixain, bien que saluée, ne suffira pas à elle seule à rééquilibrer les rapports de pouvoir.
Les résistances culturelles, les normes sociales et les déséquilibres dans la répartition des tâches domestiques forment un socle d’obstacles tenaces. Et si rien ne vient accélérer le mouvement, les femmes devront encore patienter un demi-siècle pour obtenir ce qui leur revient de droit : une place égale dans la conduite des entreprises françaises.
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