Les accusations se multiplient. L’abbé Pierre est visé par neuf nouvelles accusations de violences sexuelles, perpétrées « entre les années 1960 et 2000 », dont un viol sur mineur et des « abus incestueux », selon un rapport du cabinet spécialisé Egaé, commandé par Emmaüs et publié lundi 13 janvier.
Neuf nouveaux témoignages
Le groupe Egaé détaille, au sein de son rapport, 9 témoignages (8 directs et 1 indirect) concernant des violences sexuelles commises par l’abbé Pierre. Ces témoignages s’ajoutent aux 7 rendus publics en juillet 2024 et aux 17 rendus publics en septembre 2024.
AA. a été victime d’un contact non sollicité sur le sein et d’un contact non sollicité sur le ventre alors qu’elle était enceinte et travaillait dans un hôpital où l’abbé Pierre était hospitalisé. Les faits se sont déroulés au début des années 2000. AA. dit qu’elle a été très surprise. Elle a évoqué ce comportement avec d’autres collègues. Plusieurs ont ri, minimisant la situation.
Le fils de BB. a contacté le dispositif d’écoute. Il a raconté que sa mère, décédée aujourd’hui, avait été victime d’un contact sur les fesses de la part de l’abbé Pierre. Elle était hôtesse de l’air et a subi ce comportement lors d’un vol effectué par l’abbé Pierre. Elle avait entre 20 et 30 ans. BB. l’avait raconté à l’époque et personne ne l’avait crue. BB. avait à l’époque pris des notes dans son carnet
CC. travaillait pour Emmaüs France, elle avait une vingtaine d’années. Elle a rencontré l’abbé Pierre dans ce cadre. Elle s’est rendue chez lui pour lui remettre un courrier. Ils ont parlé quelques minutes. Il a touché ses seins et a introduit brutalement sa langue dans la bouche de CC. Elle a démissionné à la suite de cet événement.
DD. participait à un camp de jeunes Emmaüs au début des années 80 à Annemasse (Ain). Elle raconte que l’abbé Pierre lui a demandé de s’asseoir sur ses genoux, lui a touché les seins et l’a embrassée. Elle avait 22 ans.
EE. travaillait dans un hôtel dans lequel a séjourné l’abbé Pierre. Elle avait entre 17 et 18 ans. Le premier jour, elle a eu des conversations spirituelles avec lui. Le deuxième jour, l’abbé Pierre lui a demandé de venir dans sa chambre pour un problème de lumière. Elle raconte qu’il lui a attrapé les seins de façon violente, a touché son entrejambe, et a mis la main de EE. dans son pantalon à lui. EE. a subi plusieurs fois des contacts sexuels de cette nature. Lorsqu’elle en a parlé, la direction de l’hôtel lui a dit que c’était un hôte VIP et qu’elle devait retourner le voir s’il voulait. EE. a démissionné.
FF. était infirmière dans un hôpital dans lequel l’abbé Pierre était hospitalisé à la fin des années 90 à Paris. Elle avait une cinquantaine d’années. Elle raconte que l’abbé Pierre lui a malaxé les seins.
GG. a accompagné l’abbé Pierre lors d’un voyage à l’étranger en décembre 1972. Elle avait 21 ans. L’abbé Pierre a touché plusieurs fois sa cuisse lors de trajets en voiture. Un soir, l’abbé Pierre l’a invitée à venir dans sa chambre. GG. raconte que l’abbé Pierre l’a embrassée de force, lui a touché les seins et s’est masturbé devant elle. Ces actes se sont répétés pendant plusieurs jours. GG. a revu l’abbé Pierre en France des années plus tard dans les années 90. Elle raconte plusieurs épisodes survenus à cette époque, des dizaines d’années après le voyage de 1972 : elle a été exposée à l’abbé Pierre nu et a été témoin d’un contact sur la cuisse de son amie à Charenton, chez lui.
Un viol sur mineur
Parmi ces nouveaux faits rapportés, figure le témoignage d’un petit garçon. Si la victime a refusé que soient exposées publiquement les circonstances du crime, souhaitant garder son anonymat, le rapport précise toutefois que l’abbé Pierre est accusé d’un « acte sexuel avec pénétration sur un garçon mineur. »
Des abus incestueux
Autres faits troublants, la présence d’au moins deux victimes dans la famille de l’abbé Pierre. Une femme a ainsi fait part d’abus à caractère incestueux remontant « à la fin des années 1990. » L’abbé Pierre lui aurait, à différentes reprises, touché la poitrine. Il aurait également eu des propos à caractère sexuel à son adresse et l’aurait embrassée une fois de force. La seconde victime n’a en revanche pas pu être entendue et ne figure donc pas dans le décompte officiel.
Au moins 57 victimes…
Si 33 témoignages sont officiellement comptabilisés, le cabinet aurait également identifié une vingtaine d’autres faits. Mais certaines victimes n’ont pas souhaité être entendues ou les faits n’ont pas pu être consolidés par des archives ou l’agenda du prêtre.
Au total, 57 victimes ont été identifiées, rapporte Caroline de Haas, directrice associée du groupe Egaé. Mais la présidente de la Conférence des religieuses et religieux de France, Véronique Margron, qui avait recueilli le tout premier témoignage en 2023, estime que « sur ce type d’affaire, il faut craindre deux à trois fois plus (de victimes) au minimum, entre ceux qui n’oseront pas parler, ceux qui font une dissociation traumatique… »