La soumission chimique, c’est le combat de Sandrine Josso, députée Modem Loire-atlantique, depuis que l’ancien sénateur Joël Guerriau l’ait droguée à son insu. Par la suite, Sandrine Josso est devenue porte-parole de l’association “Stop à la soumission chimique, M’endors pas”, fondée par Caroline Darian, la fille de Dominique P., l’homme actuellement en procès pour avoir drogué, violé et fait violé sa femme pendant 10 ans. Cinquante autres hommes sont aussi jugés pour viols sous soumissions chimiques durant ce procès.
Que pouvez-vous nous dire au sujet de votre engagement auprès de l’association “Stop à la soumission chimique – M’endors pas” ?
Cette association a été créée par Caroline Darian, qui est la fille de l’auteur qui va être jugé à Avignon à partir de demain. Le 2 septembre débute ce procès qui va durer 4 mois. Cinquante personnes vont être jugées, en plus de ce monsieur qui s’appelle Dominique P., le père de Caroline Darian.
Cet homme va être jugé pour avoir drogué et prostitué sa femme pendant 10 ans en procédant à des soumissions chimiques. Et les autres accusés, eux, sont jugés pour avoir commis les viols sous soumission chimique.
Quels sont les profils des accusés et comment va se dérouler le procès ?
Il faut savoir que ces accusés sont issus d’un panel varié de la société : des “monsieur tout-le-monde”. De l’ouvrier au cadre supérieur, en passant par le pompier, l’infirmier ou encore le comptable. La victime était sédatée à chaque fois, donc elle était complètement endormie par des produits, précisément par de la benzodiazépine.
Les accusés sont tous jugés séparément au tribunal d’Avignon. Ils seront accompagnés de leur avocats, et certains repartiront le soir chez eux. Au cours de ces quatre mois, le verdict tombera pour chacun d’eux. On écoutera ce qu’ils auront à dire ainsi que leurs avocats.
Comment la victime avait-elle découvert les faits ?
La victime a été appelée par le commissariat en 2020, quand Dominique Darian a filmé des femmes, sous leurs jupes précisément, dans un supermarché. Ces femmes ont porté plainte et suite à ces dépôts de plainte, il a dû aller au commissariat.
Les personnes qui l’ont auditionné ont constaté, en prenant son téléphone portable, qu’il y avaient d’autres films dans ce téléphone. Par la suite, son domicile a été perquisitionné avec une fouille de tous ses outils numériques, où ils ont découvert tout ce qui s’était passé.
Qu’est-ce que vous avez appris ?
Avec ma collègue sénatrice Véronique Guillotin, nous avons mené plusieurs auditions. On a commencé par les victimes, ensuite nous avons entendu des experts toxicologues ainsi que des médecins. Ils s’intéressent de près au stress post-traumatique et à ses conséquences sur la santé.
Nous avons également interrogé des kinés, des gynécologues et des psychiatres. Nous nous sommes déplacées dans des laboratoires pour voir comment se passaient les analyses toxicologiques et notamment les analyses séquentielles des cheveux. Parce que, quand on se fait droguer, c’est une course contre la montre. Il faut vite pouvoir avoir accès à une prise de sang et trouver un laboratoire.
C’est un médecin expert qui pourra faire une bonne analyse de ces résultats. Et s’il est trop tard, il faut utiliser une autre technique qui s’appelle donc l’analyse séquentielle des cheveux qui peut se faire un petit peu plus tard.
Comment la soumission chimique est-elle abordée du côté de la justice ?
Avec ma collègue parlementaire, nous allons continuer à mener cette mission. Des avancées juridiques ont été obtenues avec Marlène Schiappa, mais je ne sais pas si elles sont suffisantes.
Cette expression de “soumission chimique” est relativement nouvelle. Les professionnels réclament plusieurs choses, par exemple une sensibilisation massive de la population et une meilleure coordination entre le judiciaire et le médical, pour accompagner la victime dans son dépôt de plainte.
Quelles sont les avancées que vous avez constaté depuis que vous êtes engagée dans cette cause ?
J’ai récolté des milliers de témoignages d’hommes et de femmes. Ce sont quand même à 70% des femmes. La soumission chimique, c’est quelque part un angle mort des violences sexuelles.
Aujourd’hui on s’en rend compte parce que les dernières statistiques ont montré que entre 2021 et 2022, il y a eu une augmentation de 69% des signalements, grâce à la sensibilisation qui se fait petit à petit. Mais il y a encore beaucoup à faire, notamment au niveau des disparités. Si par exemple vous habitez proche d’un grand hôpital, c’est plus facile d’accéder à des preuves.
Parce qu’il faut avoir la possibilité d’accéder à une technologie de pointe, qui s’appelle la chromatographie liquide. Et tous les laboratoires ne sont pas dotés de cette technologie. On est donc obligés, malheureusement, d’amener votre sang dans des laboratoires spécialisés en toxicologie et ces laboratoires n’existent que dans les grands hôpitaux.
En savoir plus : PODCAST : Sandrine Josso, “Je comprends ce qui se passe et je suis prise de panique, il est en train de me droguer”