Caroline Faucher-Winter est co-présidente de la French Tech à New York. Elle contribue à faire rayonner les entreprises françaises en Amérique du Nord et met en réseau les 600 entrepreneurs français installés à New York. Rencontre avec une communicante chevronnée installée dans la Grande Pomme depuis plus de 20 ans.
La French Tech est très présente à New York. Pourquoi ici ?
La Communauté French Tech New York a été créée en 2015. La Silicon Valley attirait la majorité des entrepreneurs et capitaux du monde entier à cette époque mais New York City voyait arriver de plus en plus d’européens et de français. Dès 2017, plus de 50% des entrepreneurs français choisissent NYC comme terre d’expatriation. New York a une offre de “business opportunities” presque équivalente à celle de la Silicon Valley. Ce qu’il manquait, soit disant, c’était les talents. Mais finalement on s’est rendu compte qu’il y en a beaucoup grâce à la proximité des grosses universités. En plus de ça, il ne faut pas oublier l’installation de Google, Amazon, Facebook… Et il n’y a que 6 heures de décalage horaire! Cela a rendu New York très attractif.
Concrètement comment accompagnez-vous les entrepreneurs?
La mission de la French Tech, quand elle a été créée par Fleur Pellerin et Emmanuel Macron en 2013, était de faire rayonner l’expertise, l’entrepreneuriat et l’innovation technologique française. L’objectif était de porter une certaine image de la France et des Français à l’étranger. Puis, nous nous sommes aperçus qu’il y avait un besoin d’animer une communauté d’entrepreneurs, et d’experts de la tech française, et de créer des liens, non seulement entre français expatriés, mais aussi entre les américains et les français qui sont basés ici.
En 2017, il n’y avait que quatre communautés French Tech en Amérique du nord et en 2022, il y en a 12 ! Aujourd’hui, nous avons peut-être moins de missions d’accompagnement à l’installation, mais nous avons plus de missions d’animation de nos communautés : identifier les entrepreneurs basés ici ou qui veulent arriver ici, les guider vers les différents organismes qui peuvent les aider à s’installer qu’ils soient privés, publics et essayer de leur faire rencontrer l’écosystème local qui répondra à leurs besoins.
Il y a une forte demande de mise en réseau de la part des entrepreneurs qui arrivent à New York, ainsi qu’une demande d’expertise du type CPA ou avocats spécialisés dans l’immigration… Nous organisons diverses rencontres et réunions dans l’année.
Pouvez-vous citer quelques femmes parmi ces entrepreneurs ?
New York City est relativement bien placée avec environ 20% de startups tech fondée par des femmes. Malheureusement, à l’échelle du pays nous tombons à 2% de femmes entrepreneures dans les technologies. Et les chiffres ne s’ameliorent pas vraiment, notamment après la pandémie qui a eu un effet désastreux sur l’entreprenariat féminin dans le monde entier. De manière générale, on ne voit pas assez de femmes, elles ne se montrent pas assez. La tech n’est pas encore assez diversifiée. Tout comme en France, nous manquons cruellement de femmes entrepreneures ici.
Il y a quelques belles réussites ici : Eve Halimi, qui a monté la start up Alinéa invest (Application d’argent communautaire avec éducation financière, actualités, actions et investissement crypto. ndlr) ou Alix de Sagazan, qui est venue développer sa start up AB tasty (Plateforme d’optimisation et de personnalisation Web). Alice Default est, elle, made in New York. Elle a monté une boite qui s’appelle Double, une startup basée à New York qui offre un service décentralisé de personal assistant aux dirigeants d’entreprise pour les aider à mieux déléguer et ainsi à améliorer leur productivité (ndlr) qui cartonne aussi.
Y a-t-il des industries privilégiées par les entrepreneurs?
Le Saas est roi ici (Software as a Service). Il y a beaucoup de start-ups dans le secteur des Adtech (technologie publicitaire : ndlr). On assiste à un gros focus sur tout ce que cela peut offrir en termes de technologie. Les fintech (technologies financières : ndlr) ont également toujours eu beaucoup de présence ici à New York. La cybersécurité, c’est aussi un gros sujet car qu’il y a eu des investissements importants par des fonds israeliens notamment Jerusalem Venture Partner a investi il y a 2-3 ans dans un centre de cybersécurité. On voit pas mal de medtech, le hardware aussi grâce au mouvement des “makers”, tout ce qui est imprimante 3D et puis évidemment l’industrie des médias ! New York est le temple des media et de l’industrie de l’entertainment. C’est assez naturel d’y voir beaucoup d’innovation aussi.
Comment expliquez-vous le succès de tous ces entrepreneurs français à New York?
Depuis longtemps, on a vu des entrepreneurs ou des experts technologiques français qui ont réussi aux USA, soit en créant leur boîte ou bien en tant qu’executif de sociétés technologiques américaines : ils ont tous eu une influence très importante avant l’arrivée de la French Tech ici. Fidji Simo par exemple, était chez Facebook. Elle est aujourd’hui à la tête d’Instacart… Luc Julia (co-créateur de Siri), Yann Lecun, Fabrice Grinda, Mathilde Colin etc… L’expertise des français en technologie très avancée, notamment en IA, est reconnue depuis très longtemps déjà.
Aussi, les écoles d’ingénieurs françaises envoient assez rapidement leurs ingénieurs dans les grandes écoles américaines comme Berkeley ou le MIT, poursuivre leurs études. Les talents français sont donc souvent déjà sur place.
La création de la French Tech et d’autres efforts ont aussi été faits par le gouvernement français pour promouvoir l’entrepreneuriat et faire venir des investisseurs dans l’hexagone . Ces investissements ont permis aux jeunes pousses françaises d’avoir un apport de capital suffisant pour caler leur business sur le marché Américain.
Que peut-on espérer du second mandat d’Emmanuel Macron pour la French Tech?
D’abord, de continuer à soutenir l’investissement étranger dans l’ecosystème tech français. Ensuite, de développer des liens forts avec les communautés de français de la tech de l’étranger, entrepreneurs, exécutifs dans des entreprises du secteur technologiques, étudiants, chercheurs etc et qui sont des ambassadeurs très puissants puisque prescripteurs et influenceurs respectés des d’investisseurs et des business partners locaux. Soutenir ce réseau à l’étranger c’est assurer la réussite des entrepreneurs qui s’exportent. C’est aussi faire revenir certains d’entre eux en France, créer des emplois là bas et nourrir un cercle vertueux amorcé il y a 10 ans maintenant. Grâce aussi au réseau de partenaires tels Business France, les Consulats généraux aux Etats Unis et l’ensemble des acteurs ici, tout est en place pour aider les entrepreneurs français à relever les défis de l’implantation de leur business outre-Atlantique.