Golshifteh Farahani : “Notre génération vivait cachée”

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Golshifteh Farahani, actrice Iranienne, a été récompensée durant la semaine du Cinéma Positif à Cannes, avec le Humann Prize, pour son engagement envers les femmes. Au micro de Cynthia Illouz, fondatrice de The Women’s Voices, l’actrice confie son ambition et l’importance de la cause des femmes.

D’où vous est venue cette volonté de vous engager pour les femmes iraniennes ?

Ce mouvement a commencé avec la mort de ma sœur. Ce que j’ai ressenti c’était inexpliquable. Ce n’était pas du tout intellectuel mais plutôt physique. Je sentais le mal et l’injustice absolue dans mon corps.

Je me souviens aussi de quand j’étais en Afrique du Sud. Je tournais et je n’arrivais pas à croire ce qui s’est passé… La mort de Mahsa Amini avait déclenché la révolution “Femme, Vie, Liberté”.

Que pensez-vous de cette nouvelle génération de jeunes qui militent ?

La génération Z est incroyablement courageuse. Nous, on n’avait pas le courage d’être comme eux. C’est vraiment grâce à eux qu’on a eu cette révolution là en Iran. Ce sont les jeunes de 15/17 ans qui sont pour beaucoup des martyrs et ont tous un micro. À cet âge là, les adolescents n’ont pas peur de mourir et c’est la folie. Ils sont très courageux et ils vont au bout de leur mission.

Notre génération avait moins de courage, nous on était obligés d’être cachés et de vivre dans les sous-sols. Nous on était obligés de toujours trouver les solutions, esquiver et vivre notre liberté en cachette. Mais eux demandent d’être libres. Toutes ces jeunes femmes plus particulièrement.

Pensez-vous que nous sommes à un tournant en ce qui concerné la liberté des femmes dans le monde ?

Retirer le voile, montrer ses cheveux, etc… La liberté pour les femmes est un mouvement qui est aujourd’hui dans le monde entier. Le mal qui se passe pour les femmes est au-delà de notre imagination. Même ici, en France, le mouvement MeToo a vraiment été déclenché cette année, encore plus fort que jamais.

Moi je dis toujours que ce n’est pas une bataille entre les femmes et les hommes. Parce que le droit des femmes, c’est aussi le droit des hommes. Ce sont des droits humains. Tant que les femmes ne sont pas libres, les hommes ne vont pas être libres non plus. On se bat pour le droit des mères, des sœurs, des épouses. C’est ça qui est important de ne pas oublier.

Pensez-vous qu’en tant qu’artiste, vous devez être davantage engagée dans la lutte pour le droit des femmes ?

On on vit dans un monde où nous ne pouvons pas nous permettre le luxe de ne pas nous engager. Parce que de l’autre côté, l’obscurité est gigantesque. Nous, en tant qu’artiste, il faut qu’on se positionne. Nous sommes obligés parce que l’art et l’écriture, c’est quand même l’âme de la société.

On est obligés de prendre refuge dans l’art et la culture. Je disais donc à Vincent Lindon: “Aidez-moi dans ce mouvement des acteurs”. L’art et la culture sont toujours la cible des pouvoirs et des régimes. C’est la cible parce que c’est le cœur et le corps d’une société.

Pour vous, quelle leçon est la plus importante à tirer de tout ce qui se passe dans le monde puis ces derniers mois/années ?

Tout ce que l’on a appris avec la crise du COVID, c’est que c’était un virus qui ne choisit pas les pays. Ça ne choisit pas les races, ça ne choisit pas les couleurs. Il est temps pour l’humanité d’apprendre que l’on est tous unis. Et tant que notre voisin souffre, on va souffrir avec. On peut pas vivre tranquillement, tant que dans un autre pays ou dans une autre région les gens souffrent.

La tristesse de l’autre c’est aussi ma tristesse à moi. Si je ne contribue pas à changer cela, je ne peux pas être heureux dans la vie. C’est ça le combat. N’importe quel combat pour la liberté et la justice, ce n’est pas régional, ce n’est pas national, c’est global. Notre écosystème n’est pas un espèce d’égo national. Moyen-Orient, Iran, Ukraine… Non, on est tous unis et il faut qu’on comprenne ça.

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