Le rideau se lève sur un affrontement aussi poignant que révélateur. Au Théâtre Hébertot à Paris, Ludmila Mikaël et Pierre Arditi donnent vie à une page méconnue de l’histoire scientifique et humaine dans « Le Prix », une pièce de Cyril Gely mise en scène par Tristan Petitgirard. Ce face-à-face intense, inspiré d’une histoire vraie, raconte la dernière rencontre entre Lise Meitner et Otto Hahn, quelques heures avant que ce dernier ne reçoive seul le Prix Nobel de chimie en 1944.
Une injustice historique et scientifique portée sur les planches
C’est le récit d’une scientifique que l’Histoire a trop longtemps ignorée : Lise Meitner. Elle est la co-découvreuse de la fission nucléaire. Ensuite, ses travaux ont été attribués à Otto Hahn, son collaborateur de trente ans. Physicienne autrichienne d’origine juive, elle doit fuir l’Allemagne nazie en 1938 pour se réfugier en Suède. Pendant ce temps, Otto Hahn, lui, resté à Berlin, poursuit leurs recherches commencés ensemble. Finalement, le jeune scientifique reçoit seul les honneurs du Prix Nobel en 1944. Cette pièce de théâtre Le Prix met en lumière cette injustice en imaginant un ultime dialogue entre les deux scientifiques.
La tension dramatique de la pièce repose sur cette rencontre fictive au Grand Hôtel de Stockholm. Lise Meitner, amère du manque de reconnaissance de son travail espère rétablir la vérité. En vain, elle tente de convaincre Otto Hahn de reconnaître publiquement son rôle. Lui, conscient du tort subi par son ancienne collaboratrice, tente de justifier son silence en arguant qu’il lui a sauvé la vie en la poussant à l’exil. Ce duel verbal et moral, sublimé par la mise en scène de Petitgirard, révèle l’ambiguïté des relations humaines et scientifiques, où reconnaissance et trahison s’entremêlent.
Une rencontre artistique intense
À 77 ans, Ludmila Mikaël fait un retour triomphal sur les planches. Sociétaire honoraire de la Comédie-Française, elle incarne une Lise Meitner, déterminée et blessée, un rôle qu’elle défend avec une intensité rare. « J’aime énormément ce personnage de femme. Elle dit des choses terribles, mais sa souffrance est immense », confie l’actrice, qui n’avait pas foulé la scène depuis six ans. Son jeu subtil et puissant capte l’attention et domine parfois celui de Pierre Arditi, pourtant monument du théâtre français.
« On en a rêvé et c’est comme on l’a espéré » : pour la première fois, Ludmila Mikaël et Pierre Arditi partagent la scène. Un duo attendu de longue date. La complicité et l’intensité de leur jeu donnent toute sa force au texte de Cyril Gely. Pierre Arditi, à 80 ans, incarne un Otto Hahn oscillant entre culpabilité et justification. Il endosse avec sa maestria habituelle ce rôle complexe. « Pierre m’a dit que je suis devenue avec cette pièce son meilleur souvenir de théâtre », confie Mikaël avec émotion. De cette confrontation entre science, histoire et justice, « Le Prix » offre une réflexion poignante sur la reconnaissance et la mémoire des femmes dans le domaine scientifique.
Après son succès au Théâtre Hébertot, la pièce partira en tournée à travers la France. Elle est produite au Théâtre Hébertot dans le 17ème arrondissement de Paris jusqu’au 27 avril 2025.
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