La cinéaste française Justine Triet est récompensée par cinq nominations aux Oscars pour son film “Anatomie d’une chute”. Le film risque de dominer la cérémonie qui aura lieu le 11 mars prochain à Los Angeles, à l’image de “The Artist” il y a une dizaine d’années. La réalisatrice s’est dite “très émue” et surprise de ces cinq nominations qui viennent d’être annoncées.
“C’est très touchant de partager ça et d’être tous ensemble dans ces nominations”
Aux Oscars, ce sont dans les catégories “meilleur film” et “meilleur réalisateur”, que “Anatomie d’une chute” s’est démarqué. “Je suis très émue. Je pensais que nous serions seulement nommés pour le scénario, sûrement, mais je n’avais pas trop imaginé ça. Je suis très touchée, c’est une grande joie”, confie-t-elle à franceinfo. En mai, Justine Triet avait déjà marqué l’histoire en devenant la troisième réalisatrice seulement, à décrocher la Palme d’or au festival de Cannes.
Aujourd’hui, le film est aussi nommé dans les catégories “meilleure actrice”, pour l’Allemande Sandra Hüller, “meilleur scénario original”, co-écrit par Justine Triet et son compagnon Arthur Harari, et “meilleur montage”. “C’est très touchant de partager ça et d’être tous ensemble dans ces nominations”, insiste Justine Triet auprès de franceinfo.
Un film sur la dissection des rapports de force au sein d’un couple
À 45 ans, Justine Triet réalise ce film sur la dissection des rapports de force au sein d’un couple d’artistes. Ce long-métrage de 2H32 retrace le procès d’une femme accusée d’avoir tué son mari, avec pour seuls témoins le garçon malvoyant du couple et leur chien. Très froide et en même temps faillible, Sandra Hüller est exceptionnelle en accusée, tout comme l’enfant au visage indéchiffrable, le jeune acteur Milo Machado-Graner.
“On sait que ça ne se produit pas dix fois dans la vie, donc on essaie d’en profiter.
C’est quelque chose de super beau de voyager avec ce film, de voir les réactions, les
gens qui me parlent de leur vie, qui me disent: ‘j’ai l’impression que vous avez mis des
caméras chez moi…’ Ça nous dépasse”, ajoute-t-elle.
“La pression est là pour le prochain film”
La réalisatrice assure aussi ne pas avoir commencé de nouveau projet, en raison de
l’intense campagne promotionnelle ayant entouré “Anatomie d’une chute”.
“La pression est là pour le prochain projet, le prochain film. Ce qui compte, c’est ce qui
va se passer après. On le sait: qu’on ait des prix ou pas, c’est toujours aussi difficile de
faire un film. Donc les prix, c’est super, mais comment dire… Ce n’est pas naturel !”, assure-t-elle.
Des victoires au goût de revanche
Le film connaît déjà un parcours exceptionnel : sept nominations aux Bafta britanniques, deux Golden Globes, pour le meilleur scénario et le meilleur film en langue étrangère. Tous les espoirs sont permis aux Oscars pour le long-métrage, qui figure aussi dans le top 10
des meilleurs films de l’année pour l’ancien président américain Barack Obama.
S’il était sacré le 10 mars, il marquerait, comme avant lui “The Artist” il y a une
décennie, l’histoire des Oscars, plutôt portés sur les productions américaines. Le film
de Michel Hazanavicius avait remporté le prix du meilleur film et celui du meilleur
acteur pour Jean Dujardin.
Justine Triet, parmi les autres vedettes françaises à Hollywood
Justine Triet pourrait rejoindre d’autres Françaises distinguées à Hollywood ces
dernières années, dont Marion Cotillard (meilleure actrice en 2008 pour “La Môme”) et
Juliette Binoche (meilleur second rôle féminin en 1997 pour “Le Patient anglais”).
Ces nominations aux Oscars ont déjà un goût de revanche pour Justine Triet, pour le
cinéma d’auteur et pour “l’exception culturelle” française, qu’elle avait fortement défendue
sur la Croisette, dénonçant un certain désaccord avec la réforme des retraites.
Le président Macron ne lui avait, de manière inhabituelle, pas adressé de message de
félicitations. Ce qu’il a fini par faire, mais en janvier seulement, après le sacre aux
Golden Globes. Mardi, la nouvelle ministre de la Culture, Rachida Dati, a rapidement réagi à ces nominations aux Oscars sur le réseau social X, se disant “fière pour la France, patrie
historique du cinéma, et pour notre rayonnement culturel”.
Refusé pour la nomination du “meilleur film étranger”
Malgré le succès public en France (1,3 million d’entrées) et à l’international (1,6 million
d’entrées), et des critiques quasi unanimes, la commission pour la sélection du “meilleur film étranger” n’avait pas retenu “Anatomie d’une chute”, lui préférant “La passion de Dodin Bouffant” de Tran Anh Hung, un film sur la gastronomie française avec Benoît Magimel et Juliette Binoche.
Ce film n’a finalement pas été retenu par l’Académie des Oscars et la France ne
sera donc pas en lice cette année pour le “meilleur film étranger”.
A peine ces nominations connues, l’équipe d'”Anatomie d’une chute” va guetter les
nominations aux César. Le film devrait figurer en bonne place dans les votes des 4.705
professionnels du 7e art qui composent l’Académie.
Les nominations des César français approchent également, le film a aussi toutes les chances de dominer. “C’est une aventure unique qui ne s’arrête pas, je ne sais pas si on revivra ça un jour”, confie Marie-Ange Luciani, la productrice du film à l’AFP
Sandra Hüller, dans les pas de Marion Cotillard ?
Autre vedette pour “Anatomie d’une chute”, c’est Sandra Hüller, actrice allemande qui a joué aux côtés d’Emma Stone pour “Pauvres créatures” ou Carey Mulligan pour “Maestro”.
A 45 ans, elle est nommée pour l’Oscar de la meilleure actrice, pour son rôle dans “Anatomie d’une chute”. “Une chance incroyable” mais aussi “beaucoup de travail”, raconte-t-elle à l’AFP, peu après avoir appris sa nomination chez elle, avant de partir pour Londres où elle doit tourner dans une campagne publicitaire.
“C’est la plus belle chose qui pouvait nous arriver”
“Je n’étais pas la première à être nommée dans notre petit cercle d’amis,
donc j’étais déjà très contente pour les autres avant. J’étais à la maison et je crois que
j’ai crié dans mon appartement. On n’y croyait pas. Tout le monde se sentait incroyablement chanceux que l’on puisse avoir autant d’intérêt pour notre travail, pas seulement en France et en Europe mais aussi aux Etats-Unis, et ça a pris de plus en plus d’ampleur. C’est la plus belle chose qui pouvait nous arriver” s’exclame-t-elle.
“Elle est libre, elle ne se préoccupe pas de l’opinion des autres. Libre ne
signifie pas froide, elle est une femme très engagée qui se bat pour l’amour, même
après la mort de son mari. C’est au moins une façon dont on peut le voir. Mais le film
n’est pas que sur elle, c’est un tout” dit-elle de son personnage en finissant par confier auprès de l’AFP, confirmant qu’elle a “reçu des propositions” pour travailler aux États-Unis, des choix qu’elle n’a pas encore pris.
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