Dans “Banel et Adama”, Ramata-Toulaye Sy, la benjamine de la compétition officielle du festival de Cannes et dont c’est le premier long métrage, signe le portrait fort d’une femme en quête d’émancipation.
Pour son premier long-métrage, la réalisatrice franco-sénégalaise, une des sept réalisatrices en compétition pour la palme d’or, a posé sa caméra dans un village rural du nord du Sénégal. Présenté en compétition officielle au festival de cannes, le film est entièrement en peul.
Une femme qui veut vivre sa vie comme elle l’entend
Au centre du long métrage, Banel et Adama, qui s’aiment et ambitionnent de quitter le village pour vivre leur couple loin des pressions de leurs familles. Mais c’est l’histoire de Banel qui porte réellement le film. “L’histoire d’amour est un prétexte pour raconter l’histoire de Banel”, explique la réalisatrice. “J’avais envie de raconter la complexité, la profondeur de cette femme, ses questionnements et ses souffrances”. Fougueuse, frondeuse et rebelle, Banel veut vivre sa vie et son amour avec Adama comme elle le désire. Lorsqu’elle tient tête à sa belle-mère en refusant la maternité, celle-ci agite la menace d’une deuxième épouse.
“Banel, c’est un personnage qui est tombé du ciel, qui n’a pas sa place dans ce village. Elle fait tout pour y vivre mais n’y arrive pas”, explique la benjamine de la compétition à la palme d’or, Ramata-Toulaye Sy. Elle explique avoir eu envie de raconter l’histoire universelle” et intemporel d’un amour troublé par les dérèglements climatiques et les traditions.
Un film né en 2014
Ramata-Toulaye Sy a écrit ce film en 2014 alors qu’elle était étudiante à l’école de cinéma la Fémis. “Je l’avais mis de côté car je ne me sentais pas prête à réaliser. Ce n’est qu’en 2020 que j’ai décidé de me lancer”, relate-t-elle. Ramata-Toulaye Sy, qui est née, a grandi et fait ses études en France, confie d’ailleurs avoir ressenti le “besoin” de réaliser son premier film au Sénégal, ce qui lui confère une image très soignée. “La première partie du film, c’est vraiment l’Afrique rêvée, sa nature, sa lumière, explique-t-elle. La deuxième partie du film est plus sombre et évoque la question de la sécheresse, qui tue le bétail et pousse les villageois à quitter leurs terres.”. Une inspiration esthétique qu’elle trouve dans la peinture : “Je me suis beaucoup inspirée de Van Gogh, de Munch, l’artiste afro-américain Kerry James Marshall, du Ghanéen Amoakoa Boafo aussi“, explique-t-elle.
C’est un événement, le film de Ramata-Toulaye Sy est le premier film sénégalais à concourir pour la prestigieuse palme d’or. Représentante du continent africain, aux côtés de la Tunisienne Kaouther Ben Hania, peine avec la compétition du festival de cannes. “C’est un peu effrayant”, dit-elle. “La veille de l’annonce de la sélection, on m’a appelé pour me dire qu’on était en compétition. J’ai tout de suite ressenti beaucoup de fierté. C’est un peu effrayant aussi d’être parmi les maîtres. On attend plus leurs films que le mien, mais je suis là pour me battre.”
“On vit dans un monde d’hommes”
Alors qu’elle fait partie des sept femmes en compétition cette année, Ramata-Toulaye Sy sait qu’elle est une exception dans un univers masculin. “Même si je n’ai pas eu de mal à réunir le budget, je fais mon premier film à presque 37 ans et je sais qu’il y a des hommes qui font le leur à 22 ans“, observe-t-elle.
“En réalité c’est beaucoup plus difficile pour une femme, plus difficile pour les Africains aussi. Et je pense que ça mérite qu’on se questionne là-dessus. Le problème du cinéma, c’est le problème du monde. On vit dans un monde d’hommes alors que ce devrait être un monde mixte. On ne devrait plus compter et avoir la parité dans tous les domaines.”