Adélaïde Hautval : une héroïne de l’ombre bientôt au Panthéon ?

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Mathéa Mierdl

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Résistante méconnue mais d’un courage exemplaire, Adélaïde Hautval pourrait bientôt rejoindre les grandes figures honorées au Panthéon. Médecin protestante, elle a été déportée à Auschwitz pour avoir défendu des Juifs. Elle incarne une conscience morale rare, saluée aujourd’hui par de nombreuses personnalités politiques. Une pétition en ligne et une mobilisation croissante appellent la République à rendre hommage à cette femme d’exception.

Une demande forte portée par des figures majeures

Un appel solennel éclate dans le paysage politique et intellectuel français. Plusieurs figures de renom réclament l’entrée au Panthéon de la résistante Adélaïde Hautval. Le grand rabbin de France Haïm Korsia et Christian Krieger, président de la Fédération protestante sont à l’origine de cette initiative. Ils s’unissent pour saluer « l’engagement d’Adélaïde Hautval contre l’oppression et l’injustice ». En effet, ils appellent à l’inscrire parmi les grandes figures honorées par la Nation. L’Élysée, rapidement sollicitée, confirme que cette demande « sera étudiée comme toutes celles reçues par la présidence ». Le mouvement prend rapidement de l’ampleur : un site internet dédié (adelaidehautval.fr) voit le jour. Également, une pétition rassemble déjà de nombreux soutiens de poids. Parmi les premiers signataires figurent des personnalités politiques importantes. La présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet, l’ancien président François Hollande, l’ex-Premier ministre Bernard Cazeneuve. De plus, des intellectuels et écrivains : Annette Wieviorka, Didier Decoin, Camille Laurens ont participé.

En réclamant cette panthéonisation, les initiateurs de l’appel souhaitent bien plus qu’un hommage individuel. C’est une reconnaissance symbolique qui rend hommage à tous les résistants. Ils souhaitent, via cette demande, mettre en lumière « les résistantes de l’ombre », ces femmes courageuses, parfois oubliées, qui ont permis à la République de préserver ses valeurs fondamentales : justice, liberté, fraternité. Sur le site de la pétition, les responsables du comité soulignent l’importance de rendre visible ces héroïnes souvent effacées par l’histoire. Haïm Korsia va encore plus loin : « Adélaïde Hautval, c’est la grandeur incarnée dans la simplicité », affirme-t-il avec émotion. D’ailleurs, il évoque même une opposition symbolique entre la « banalité du mal », théorisée par Hannah Arendt, et ce qu’il appelle la « banalité du bien », que Hautval incarne avec éclat.

Une vie de courage, de convictions et de refus de la compromission

Née en 1906 en Alsace dans une famille protestante, Adélaïde Hautval choisit de devenir médecin-psychiatre. Lorsque la barbarie nazie frappe l’Europe, elle ne détourne pas le regard. Arrêtée en 1942 , elle est déportée à Auschwitz-Birkenau, étiquetée « amie des Juifs » – un statut presque suicidaire. Là-bas, elle refuse de participer aux expérimentations médicales des nazis, risquant sa vie pour rester fidèle à ses principes. Elle continue à aider les autres prisonniers, soignant, résistant sans relâche. Transférée à Ravensbrück, elle survit et poursuit son engagement jusqu’à sa mort en 1988. En 1965, Israël la reconnaît « Juste parmi les Nations » ce qui scelle sa place dans l’histoire des consciences éclairées.  Elle n’agit jamais pour la gloire ou la reconnaissance. Christian Krieger le souligne : « Elle n’a jamais cherché la lumière, mais elle agit toujours avec conviction, sans jamais céder. » En efft, selon lui, elle incarne une « forme de conscience universelle ».

Pour Haïm Korsia, elle représente un écho parfait à Marc Bloch, autre figure de la Résistance, juif et profondément français. Tous deux pourraient former un duo symbolique et fraternel au Panthéon. Effectivement, tous deux d’un engagement sans faille contre la barbarie.En octobre prochain, c’est Robert Badinter, immense figure du droit et de la justice, qui rejoint le Panthéon. Adélaïde Hautval, elle, pourrait être la prochaine. Emmanuel Macron a déjà honoré Simone Veil, Joséphine Baker, Maurice Genevoix ou Missak Manouchian. Hautval, avec sa dignité tranquille, son courage lumineux et sa foi dans l’humain, semble prête à prendre place parmi ces âmes immortelles. Et si, en honorant cette femme, la République faisait aussi un geste envers toutes celles dont le nom s’est perdu, mais dont l’acte a sauvé ?

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