« N’acceptez jamais le “sois belle et tais-toi”. » C’est le message porté par Delphine Viguier-Hovasse, directrice de L’Oréal Paris, Agathe Bousquet, présidente de Publicis, Reem Kherici, réalisatrice et actrice, et Cindy Bruna, mannequin, lors du Women’s Forum 2024. Ensemble, elles partagent leur expérience pour encourager les femmes à s’affirmer dans une société où l’image féminine reste souvent cantonnée au « male gaze. »
Les industries créatives, comme la mode et le cinéma, sont encore largement dominées par des hommes. « 96% des films sont réalisés par des hommes », souligne Reem Kherici. L’objectif de cette session est de comprendre comment permettre aux femmes, qu’elles soient modèles, actrices, autrices ou productrices, d’être reconnues et respectées dans leur domaine.
Donner sa place à la diversité
« Nous voulons rendre les femmes visibles », déclare fièrement Delphine Viguier-Hovasse, qui dirige L’Oréal Paris, première marque de beauté à avoir signé une femme de plus de 70 ans. « Nous essayons de représenter le plus de diversité possible, en termes de morphologie, d’origine, d’âge… » La visibilité est la clé pour la directrice.
« On veut montrer les femmes dans des domaines où on ne les attend pas », explique-t-elle. « Nous voulons voir plus de femmes derrière la caméra ; nous récompensons les jeunes réalisatrices au festival de Cannes (…) nous voulons voir plus de femmes scientifiques ; c’est pour cela que nous avons créé “For Women in Science” avec l’UNESCO. »
« Les jeunes filles grandissent en regardant la télévision et les magazines. Elles ont besoin de se voir, de se sentir représentées », ajoute Cindy Bruna, mannequin et égérie L’Oréal Paris. Le prêt-à-porter se dirige vers une mode « inclusive », mais seulement 31% des Français se reconnaissent dans les campagnes des marques de mode, selon FashionNetwork. Cindy Bruna se souvient : « J’ai commencé ma carrière en sachant que ma couleur de peau était un problème pour les agences. On voulait que je lisse mes cheveux, car mes boucles ne correspondaient pas dans aux standards de beauté. Pendant des années, j’ai cru que mes boucles n’étaient pas belles… Rendre visible la diversité est donc essentiel. »
« Mon rôle en tant que femme réalisatrice est de mettre en lumière toutes les femmes », ajoute Reem Kherici. « De différents âges, différentes histoires, différentes origines, différentes morphologies… »
Combattre les stéréotypes
« Ce qui compte, ce n’est pas que l’on apparaisse, mais comment on apparait », explique Agathe Bousquet, présidente de Publicis. Le simple nombre de femmes à la télévision ne suffit pas à transformer leur image. « L’important, c’est le rôle qu’elles jouent. » Si les femmes apparaissent plus fréquemment que les hommes, notamment dans les publicités, leur visibilité ne progressera pas pour autant si elles sont confinées à des rôles stéréotypés.
Au cinéma, par exemple, la présence de personnages féminins est souvent limitée au « syndrome de la Schtroumpfette ». Contrairement aux personnages masculins dotés de caractéristiques uniques (le Schtroumpf bricoleur, poète, farceur, etc.), la Schtroumpfette est simplement « la femme. » Dépourvue de profondeur narrative et de complexité comparée aux protagonistes masculins, les personnages atteint de ce syndrome n’existent que par et pour les hommes. Il réduit les personnages féminins à des stéréotypes : elles sont les épouses, les assistantes, les demoiselles en détresse ou les beautés fatales.
« Il est crucial d’être féministe dans ce milieu et de défendre notre vision de la femme », souligne Reem Kherici. La réalisatrice confie : « Au début, je ne réalisais pas l’importance de mon rôle. J’ai une voix, et cette voix a des responsabilités. » Les femmes méritent « des rôles forts » et « des scènes mémorables » tout autant que les hommes. « Nous avons besoin de femmes scénaristes et réalisatrices pour apporter leur point de vue et leur perception. »
Les échecs : un tremplin vers la réussite
« On n’apprend pas de son succès, on apprend de ses échecs », affirme Delphine Viguier-Hovasse. « Toutes les femmes belles et accomplies ont un jour échoué. » Eva Longoria, a été jugée « trop mexicaine » avec un « mauvais accent » avant de devenir « l’une des femmes les plus vues au monde. » Cindy Bruna a cumulé les refus avant de devenir la première femme noire à défiler pour Calvin Klein durant la Fashion Week. Reem Kherici a persévéré pendant des années avant d’obtenir le plus gros budget jamais attribué à une productrice. Les parcours de ces femmes prouvent qu’il n’y a pas de réussite sans résilience.
« Un gagnant est simplement un perdant qui a essayé une fois de plus », insiste Delphine Viguier-Hovasse. Chaque échec renforce la détermination et apporte l’expérience nécessaire pour progresser. La directrice de L’Oréal Paris conseille : « Vous devez être économiquement et financièrement indépendante pour être forte », rappelant que cette autonomie est essentielle pour surmonter les défis et construire une position de force dans un monde inégal.
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