La protection de l’environnement est devenue une priorité pour de nombreuses entreprises. Les marques accélèrent leurs engagements en faveur du développement durable et mettent en place des innovations technologiques pour changer leur mode de production. Pour comprendre ces transformations, nous avons interrogé la Directrice du développement environnement de LVMH, Hélène Valade, une femme engagée de longue date, puisqu’elle préside également l’ORSE (l’Observatoire de la Responsabilité Sociale des Entreprises.)
Pourquoi LVMH s’intéresse autant à la biodiversité ?
Tous les produits de LVMH sont interdépendants avec la nature : il n’y a pas de champagne sans raisin, il n’y a pas de parfums ou de crèmes sans espèces végétales, pas de de prêt-à-porter sans coton. Ce lien avec la nature est donc complètement intrinsèque à notre activité et cela exige qu’on fasse en sorte de rendre à la nature ce qu’on lui a emprunté.
Pour ce faire, nous avons un plan d’action ambitieux avec des mesures d’impacts sur la biodiversité, puis des programmes pour la reconstituer grâce à de la régénération de l’agriculture. Sur la partie vins et spiritueux, LVMH réintroduit des arbres fruitiers pour améliorer la qualité des sols par exemple. Concernant la mode, on a des expérimentations par une culture du coton en agriculture régénératrice.
Cela passe donc par une transformation en profondeur de notre modèle mais également par le financement de projets robustes, de la philanthropie pour le vivant, de projets orientés vers l’environnement, vers la biosphère. C’est dans ce cadre-là que l’on a renforcé notre partenariat avec l’Unesco.
En quoi consiste ce mécénat en faveur de l’UNESCO ?
LVMH participe à un programme qui s’appelle « Man and Biosphere » qui a pour objectif d’identifier partout dans le monde, notamment en Amazonie, des zones de diversité à préserver ou de lutte contre la déforestation. En associant les communautés locales dans ce travail, on essaye de favoriser des emplois qui permettent d’apporter des ressources naturelles. Par exemple, la production d’huile de coipaba ? qui permet aux populations locales d’avoir des revenus et donc de ne pas déforester pour gagner leur vie.
Nous avons conçu et construit un stand commun au Congrès Mondial de la Nature à Marseille l’année dernière, car c’est aussi notre responsabilité que d’accroître la sensibilisation sur ces sujets. Montrer comment un Groupe comme le nôtre, qui a une capacité d’influence très forte, agit, peut donner envie à d’autres entreprises de se mobiliser. D’ailleurs, Antoine Arnault était présent pour porter la voix d’un Président sur cette question et montrer en quoi l’innovation pour la biodiversité est importante.
Nous avons également invité Alice Audouin, qui dirige l’association ArtofChange21 à exposer à Marseille. Elle fait une connexion entre l’art et l’environnement, cette alliance entre nature et art est capitale pour sensibiliser aux enjeux. Elle correspond aux valeurs et aux métiers de LVMH qui font le lien entre nature et créativité.
Comment fait-on pour favoriser auprès des directeurs artistiques une créativité responsable ?
Tout le processus de création est en train d’évoluer. Avant un designer allait chercher les matières pour donner corps à ses idées. Désormais, en France notamment, la question des matières se pose avant, elles deviennent des sources d’inspiration. Par exemple, la marque Loewe a confectionné un sac tressé à base de chutes de lanières de cuir. Tout l’enjeu est de continuer à créer des objets désirables. Pour cela nous mettons à disposition de nos créateurs une écomateriauthèque, avec des matériaux éco-conçus. Nous avons des partenariats avec des écoles de design et notamment la Central Saint Martins où nous faisons travailler les étudiants sur des matières respectueuses de l’environnement, comme des algues pour la conception d’un rouge à lèvres. Il y a beaucoup d’innovations dans les métiers, dans les systèmes de coupes, on fait en sorte qu’il n’y ait plus aucune perte de matière dans la coupe. C’est le cas dans les ateliers Louis Vuitton où les chutes sont présentées aux stylistes pour être réutilisées.
La destruction des invendus est-elle toujours d’actualité ?
Dans le luxe, ça n’a jamais été vraiment le cas, du fait de la l’ajustement de l’offre à la demande. Mais l’enjeu de LVMH est de renforcer l’utilisation des matières premières afin de réussir l’alliance entre le vert et le désirable, entre le luxe et le respect de l’environnement. C’est notre rôle en tant que leader du luxe de favoriser de belles créations à partir d’éléments recyclés pour respecter l’environnement.
Votre challenge est donc de continuer cette innovation et en même temps passer à l’échelle ce que vous avez initié depuis longtemps ?
Oui tout à fait. Et il faut que le produit devienne la signature de l’ambition environnementale du Groupe. Il faut également être dans la mesure. Il existe de nombreuses solutions possibles en termes de matériaux alternatifs. Mais il ne faut pas se précipiter au sens où il faut connaître l’impact environnemental de ces alternatives. Un autre challenge de LVMH est d’instaurer une circularité entre les 75 maisons. C’est ce que nous avons réalisé avec la création Nona Source, dont le but est de référencer les tissus inusités dans certaines de nos Maisons et de les vendre à d’autres maisons LVMH et en-dehors du Groupe, à de jeunes designers. La circularité entre les Maisons est donc au cœur de la perspective de notre développement.
Vers quel type de cuir alternatif se diriger ?
Il existe de nombreuses alternatives, mais on ne connaît pas encore la meilleure option. Tout ce qui est végétal nécessite un support. Ce dernier doit lui aussi être composé de matières écologiques. De même, il s’agit d’utiliser des matières durables, qui permettent de durer aussi longtemps que le cuir par exemple.
Parmi les différentes industries, y en a-t-il qui sont en avance sur les autres ?
Les enjeux sont très différents d’un secteur à un autre. Les challenges pour l’industrie des vins et spiritueux sont concentrés sur la capacité à laisser le sol le plus vivant possible. Concernant la mode et la maroquinerie, le challenge est focalisé sur l’empreinte des matières premières. En cosmétiques et parfums, c’est l’agriculture régénératrice. Mais la finalité globale et commune de toutes ces industries, c’est évidemment l’impact sur le climat.
Photo d’Hélène Valade copyright Gabriel de La Chapelle