Fanny Picard, pionnière de la finance responsable et fondatrice du fond d’investissement Alter Equity et Maud Caillaux, fondatrice de la néo banque Green Got ont répondu aux questions de Cynthia Illouz, dans une interview Live réalisée en partenariat avec Brut.
Alors que 62 % des français déclarent accorder une place importante aux impacts environnementaux et sociaux dans leurs décisions de placements, 67% des personnes interrogées par une enquête de l’Ifop déclarent n’avoir jamais entendu parler de finance responsable. Inégalités, migrations, utilisations des ressources, climat… la finance responsable, ou finance à impact, recouvre les différentes pratiques visant une rentabilité financière ainsi qu’un impact environnemental, social ou sociétal.
Evolution des mentalités
Fanny Picard a été la pionnière de la finance responsable en Europe. Son fonds d’investissement Alter Equity, lancé il y a 16 ans, choisit dans des entreprises dont l’activité répond aux enjeux sociaux et environnementaux majeurs de la société actuelle. “Nous soutenons des entreprises qui cherchent à être les plus vertueuses possible vis-à-vis de l’ensemble de leurs parties prenantes : les clients, les fournisseurs, les salariés et les territoires d’implantation, via leurs activités et leurs pratiques de gestion.” Le tout en recherchant un rendement financier pour le souscripteur qui rémunère le risque.
Lorsqu’elle a lancé Alter Equality en 2007, 100% des investisseurs auxquels Fanny Picard s’est adressée estimaient que financer des entreprises responsable ne serait pas rentable. Jusqu’à 2015, les enjeux sociaux, environnement et sociétaux n’étaient pas au coeurs des préoccupations des investisseurs. “Aujourd’hui, l’état d’esprit a totalement changé, plus personne ne pense comme cela.Tout le monde nous écoute.”, rassure-t-elle.
De son coté, Maud Caillaux, fondatrice de la banque Green Got , 7.000 personnes ont ouvert un compte en moins de 5 mois, rappelle que pour connaître une évolution des mentalités, il faut tout d’abord que les alternatives soient connues de tous. “La plus grosse part de notre empreinte carbone se trouve à la banque, c’est trop peu connu, rappelle-t-elle. “Les banques françaises financent encore massivement les énergies fossiles donc on y participe à notre insu.”
Elle a donc choisi de créer une banque plus verte dans le but d’arrêter de financer les énergies fossiles et “de faire que notre argent ne fasse plus partie du problème mais de la solution”. Green Got permet au client de suivre les émissions de CO2 de ses dépenses et de participer à 3 projets environnementaux tels que wings of the ocean, une association de nettoyage des océans; au développement de l’électricité dans des pays encore très dépendants du charbon et à la préservation de la forêt amazonienne.
La place des femmes dans la finance responsable
Selon une étude du FMI, les femmes représentent 18% des responsables de portefeuille, 13% des postes de direction. Il n’y a que 2% des banques de la planète qui comptent une femme à leur tête. Signataire de la charte sista et composé à 67% de femmes, le fonds Alter Equality a connu des difficultés à financer des projets portés par des femmes. “Cela reste beaucoup trop compliqué.“, regrette-t-elle. En moyenne seul 1⁄3 des projets sont proposés par des équipes féminines. Les femmes entrepreneures manquent en France et à l’international.
Fanny Picard n’a pas fait face qu’à du sexisme affiché de la part des investisseurs. “Ce qui est très compliqué à gérer, c’est que les gens ne disent pas “ Tu es une femme donc j’ai moins confiance et je ne vais pas t’allouer les fonds que j’aurai donnés à un homme”. Les gens ne s’en rendent pas compte.“
Malheureusement, Maud Caillaux rappellent que les femmes ont fini par intégrer et intérioriser le sexisme dont elles ont été victimes et pensent qu’elles ne sont pas capables de mener à bien des projets de grande envergure. Elles sont elles victimes du complexe de l’imposteur et n’osent pas financer les projets d’autres femmes, malgré leur propre réussite.